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de Madrid et de Cambrai, sauf en ce qui serait innové par le traité à conclure ; il proposait, pour être le mari de madame Marguerite, le fils aîné du roi des Romains, au lieu du prince Philippe, qui aurait épousé Jeanne d’Albret, héritière du royaume de Navarre ; une des conditions de cet arrangement était encore que les États du duc de Savoie lui fussent restitués ; enfin l’empereur se promettait que le roi lui prêterait son concours pour le soutien de la guerre contre les Turcs et la réduction des protestants d’Allemagne[1]. François Ier répondit qu’il n’accepterait les Pays-Bas, au lieu du duché de Milan, que si l’empereur en mettait en possession la princesse d’Espagne et le duc d’Orléans incontinent après le mariage consommé ; il consentait au retour de ces pays à l’empereur et à ses successeurs, au cas que la princesse mourût sans postérité, mais alors lui et ses enfants rentreraient dans leurs droits sur le Milanais ; il se refusait à ratifier les traités de Madrid et de Cambrai, mais, tant que les Pays-Pas et les comtés de Bourgogne et de Charolais seraient entre les mains du duc d’Orléans, ou de l’empereur en cas de retour et durant sa vie, il consentait que le fait de la souveraineté de la Flandre et de l’Artois demeurât en l’état qu’il était ; il donnerait au duc d’Orléans, pour portion de son apanage, le comté de Saint-Pol et Hesdin, avec la querelle de Tournai, Tournaisis, Mortagne et Saint-Amand. Dans l’incertitude du sort futur des Pays-Bas et du comté de Bourgogne, il n’était pas disposé à restituer les domaines du duc de Savoie ; il voulait bien toutefois donner à ce prince un dédommagement dans son royaume. Quant aux autres mariages, le roi était d’avis que ce n’était pas le moment de s’en occuper[2]. Ce qui donnait à cette réponse un caractère plus grave, c’est que, dans le temps qu’il la faisait, François s’éloignait de la frontière des Pays-Bas, alors qu’on s’attendait à le voir rendre à l’empereur la visite qu’il en avait reçue, et que le connétable ne parlait plus de venir à la cour impériale, comme il en avait manifesté l’intention[3]. La conduite du roi causa à Charles-Quint autant de regret que t’étonneraient : il attachait le plus grand prix à l’établissement d’une paix et d’une amitié solide entre sa maison et celle de France[4] ; il s’était flatté que ses dernières propositions auraient ce résultat, et non-seulement le roi les repoussait, mais encore il voulait revenir sur les traites de Madrid et de Cambrai, il remettait en question l’abandon qu’il avait fait de la suzeraineté sur la Flandre et l’Artois, la cession de Tournai et du Tournaisis, etc. Il était impossible à Charles de souscrire à de telles exigences. D’autre part, François ne se prononçait pas sur le concours qu’il en attendait pour l’arrangement des affaires publiques de la chrétienté. En un mot, ses ministres trouvaient que le roi désirait beaucoup de lui, mais que lui ne montrait pas ce qu’il voulait faire pour l’empereur[5]. Charles déclara que, s’il donnait le duché de Milan, il ne le donnerait qu’au duc d’Orléans et aux enfants que ce prince aurait, sans qu’il pût retourner au roi et à ses enfants ; que si, au contraire, il lui donnait les Pays-Bas avec la main de la princesse d’Espagne, il entendait que le roi restituât le Piémont et les autres États du duc de Savoie. On verra plus loin à quoi aboutit cette négociation[6].

  1. Instruction à l’abbé de Saint-Vincent, ci-dessus citée.
  2. Instruction du 24 avril 1540 pour MM de Lavaur et Hellin, dans Ribier, t. I, p. 509.
  3. Ribier, t. I, pp. 500, 514, 520.
  4. S’il n’y avait là-dessus que les déclarations officielles se Charles-Quint, on pourrait ne pas y croire ; mais le doute n’est pas permis en présence des recommendations faites au prince son fils dans l’instruction du 5 novembre 1539.>.
  5. Ribier, t. I, p. 514.
  6. Les documents que contiennent, sur cette importante négotiation, les Lettres et Mémoires de Ribier et les Papiers d’Etat de Granvelle, — les seuls qu’on possède jusqu’ici — sont fort incomplets. Ainsi l’on ne connait la déclaration de Charles-Quint que par ce qui en est dit dans une lettre (sans date) du conuétable aux Srs de Lavaur et de Hellin (Ribier, t. I, p. 522), et la lettre de Charles à son ambassadeur en France, du 9 juin 1540 (Papiers d’Etat de Granvelle, t. II, p. 597) mentionne une instruction du roi aux mêmes Srs de Lavaur et de Hellin qui devait renfermer sa résolution finale et qui manque également. De plus, les dates de quelques-unes des dépêches données par Ribier sont douteuses : ce qui jette de la confusion dans les faits.
            C’est vainement que nous avons fait des recherches aux Archives du royaume, dans l’espoir de combler les lacunes que présente cette série de documents. Nous nous sommes adressé aux Archives de cour et d’Etat, à Vienne. M. l’archiviste impérial Paul Wocher, avec une complaisance dont nous nous faisons un devoir de lui exprimer ici notre gratitude, s’est empressé de compulser les volumineuses correspondances de Charles-Quint qui sont conservées dans ce dépôt ; il a constaté que les depêches de 1537, 1538, 1539 et 1540 manquent à la correspondance diplomatique de France.