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trois membres dont était composé le corps représentatif de la commune se prononcèrent contre l’envoi de députés en Espagne ; le premier seul consentit à la mise en ferme des impôts : les deux autres voulaient que la perception en fût suspendue tant que la reine n’aurait pas fait droit à leurs prétentions ; ils disaient ouvertement qu’ils ne voteraient plus de subside quelconque qui leur serait demandé par l’empereur ou en son nom[1]. Quelque temps après, le magistrat, à la réquisition des métiers, fit extraire du secret de la ville[2] et lire publiquement tous les priviléges. On avait fait accroire au peuple qu’il en existait un, appelé l’Achat de Flandre, en vertu duquel aucune aide ne pouvait être levée dans la province sans le consentement des Gantois ; on ne le trouva point ; il n’en existait pas même la moindre trace dans les inventaires des archives.

Le 15 août, les commissaires de la reine renouvelèrent la loi en la manière accoutumée. Il était d’usage que, aussitôt après ce renouvellement, chaque métier élût et présentât au grand bailli et aux échevins trois personnes entre lesquelles ils choisissaient le doyen qui allait entrer en fonctions : les métiers déclarèrent qu’ils ne procéderaient à l’élection de leurs doyens qu’après qu’on aurait fait cesser la perception de tous les impôts dans la ville et constitué prisonniers les magistrats qui avaient été en charge du 15 août 1536 au 15 août 1537 : ils accusaient surtout ceux qui avaient rapporté à la reine, en des termes inexacts suivant eux, la résolution de la collace sur l’aide des quatre cent mille florins[3], et ceux qui seraient allés clandestinement au secret de la ville, pour en emporter plusieurs priviléges, au nombre desquels était le fameux Achat de Flandre. Les échevins se virent obligés de céder à leurs exigences ; ils firent prendre Liévin Pien et Jean van Waesberge : le premier avait été grand doyen en 1537, et le second échevin ; la plupart des autres magistrats avaient eu le temps de s’enfuir. Pien, après avoir été, à plusieurs reprises, sur la réquisition impérative des métiers, mis à la torture de la manière la plus barbare, fut décapité le 28 août ; il fallut le porter sur une chaise au lieu de l’exécution, tant son corps était brisé par les tourments qu’on lui avait fait souffrir. Les échevins, qui étaient convaincus de son innocence, le condamnèrent, pour ne pas s’exposer à la fureur du peuple ; il mourut courageusement en leur reprochant leur pusillanimité.

Les exigences des métiers augmentaient avec les concessions qui leur étaient faites. Le 11 avril 1515, quelques jours après son inauguration comme comte de Flandre, Charles, par un acte signé de sa main, avait ordonné qu’à l’avenir le grand bailli, les échevins, les doyens et tous les officiers de la ville de Gand feraient serment, avant d’entrer en fonctions, d’observer la paix de Cadsant[4]; cet acte, sur son commandement exprès, avait été déposé au secret de la ville et enregistré dans le livre aux priviléges. Les métiers demandèrent que le calfvel (c’est ainsi qu’ils l’appelaient, parce qu’il était écrit sur parchemin) fût déchiré ou brûlé. En vain le grand bailli et les échevins leur représentèrent qu’anéantir un acte portant la signature de l’empereur, ce serait outrager l’empereur lui-même et encourir son indignation ; en vain ils leur offrirent de mettre le calfvel dans un coffre à trois clefs dont chacun des membres de la ville aurait une, et d’en tenir l’observation en surséance jusqu’à la venue de l’empereur : ces raisons ne les touchèrent point, et force fut au magistrat de se soumettre à leur volonté. Le 2 septembre, l’acte de 1515, ayant été apporté sur le bureau des échevins, à l’hôtel-de-ville, en présence de toute la loi, des métiers et d’une multitude de

  1. Lettre de la reine à l’empereur du.. juillet (Archives du royaume.)
  2. On appelait ainsi, à Gand, la trésorerie des chartes.
  3. C’était le contingent de la Flandre dans les douze cent mille florins demandés à toutes les provinces.
  4. Cette pais avait été conclue, le 29 juillet 1492, devant l’Écluse, entre le duc Albert de Saxe, lieutenant général du roi des Romains et de l’archiduc Philippe, et les Gantois ; Maximilien l’avait ratifiée au mois d’août suivant. Elle apportait des restrictions notables aux priviléges dont les Gantois avaient joui jusqu’alors.