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viléges : ils demandèrent qu’il fût sursis à la levée de l’aide, et que les contribuables mis en prison pour refus de la payer fussent élargis. La reine leur offrit le recours à la justice; elle leur laissait l’option entre le conseil privé et le grand conseil de Malines : ce dernier était le tribunal souverain et le juge en dernier ressort de la Flandre. Les Gantois voulaient, avant tout, que la reine cédât à leur double demande : la reine s’y étant refusée, le 31 décembre 1537, par acte fait devant notaire, ils appelèrent de son refus à la personne même de l’empereur. Charles, que sa sœur avait tenu au courant de tous les incidents de cet te affaire, leur écrivit, de Barcelone, le 31 janvier, une tongue lettre : il y témoignait son étonnement qu’ils n’eussent pas accepté la voie de justice que la reine leur avait offerte et de laquelle tous bons et loyaux sujets se devaient contenter; il s’émerveillait qu’ils prétendissent non-seulement s’exempter du paiement de l’aide, mais encore empêcher que les habitants de leur quartier ne la payassent, comme si ceux-ci étaient leurs sujets et non les siens, et ne lui pouvaient rien donner ou accorder sans leur aveu ou consentement. « Nous avions — ajoutait-il — toujours eu cette opinion et espoir de vous que, durant notre absence, vous vous employeriez plus à nous aider, assister et servir que nuls autres, à cause que sommes gantois et avons pris naissance en notre ville de Gand. » Il les requérait enfin de vouloir, « à sa contemplation, » consentir la levée de l’aide dans leur quartier : s’ils continuaient à s’y montrer opposés, il leur ordonnait, sous peine d’encourir son indignation, de relever leur appel devant le grand conseil, n’entendant pas, lui, en prendre connaissance hors du pays, et le temps où il y pourrait revenir étant incertain. Cette lettre, qui leur fat remise au mois de mars, produisit sur eux une médiocre impression. Ils ne tinrent également pas de compte d’un mandement de l’empereur que le conseiller d’État Schore, revenant d’Espagne, leur insinua le 25 avril, et qui enjoignait à tous contribuables du quartier de Gand d’acquitter leur quote-part dans l’aide : à défaut de quoi ils y seraient contraints.

Au mois de mai 1538, la reine, ayant à solliciter une nouvelle aide des membres de Flandre, ainsi qu’elle l’avait fait des autres provinces, pour la solde des gens de guerre et l’entretien des places fortes, ordonna l’élargissement provisoire des personnes qui s’étaient laissé emprisonner plutôt que de payer la somme à laquelle elles étaient taxées. Cette mesure ne produisit pas le fruit qu’elle s’en promettait : Gand accueillit sa demande par un refus unanime; Ypres ne montra pas une meilleure volonté; Bruges et le Franc étaient dans des dispositions plus favorables, mais ils n’osaient les manifester de crainte de mécontenter le peuple[1]. La reine, voyant cela, fit recommencer les poursuites pour la perception de l’aide de 1537. Les Gantois réclamèrent de nouveau et avec une grande vivacité; elle leur répondit, comme précédemment, que, s’ils se croyaient lésés, ils n’avaient qu’à s’adresser à la justice. La plupart des villes et des villages du quartier de Gand finirent par payer la contribution; mais il n’en fut pas de même de la châtellenie du Vieux-Bourg qui était contiguë au territoire de la ville : là les Gantois ne permettaient pas aux huissiers d’exécuter les contribuables.

Les choses étaient en cet état lorsque, le 7 juillet 1539, le magistrat assembla la collace[2]. Les provinces de Brabant, de Hainaut et d’Artois avaient résolu d’envoyer une ambassade à l’empereur, pour lui présenter des compliments de condoléances sur la mort de l’impératrice : le magistrat proposa à la collace d’adjoindre à cette ambassade des députes de la Flandre; il lui fit, de plus, suivant la coutume, la proposition de mettre en ferme, pour l’année commençant au 15 août, les impôts et accises de la ville. Les

  1. Lettre de la reine à l’empereur du 9 juin 1538. (Archives du royaume.)
  2. La collace était, à Gand, la représentation de la commune, comme le conseil large à Anvers et à Malines; elle se composait de trois membres : la bourgeoisie, les cinquante-trois métiers, et le métier des tisserands auquel cinq autres étaient unis.