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pontificat d’Alexandre VI, Charles VIII avait occupés. Quelques jours après commencent les cérémonies de la Semaine-Sainte; Charles y prend une part assidue : l’humilité avec laquelle, le jeudi, il lave les pieds à douze pauvres lui attire l’admiration du peuple romain. Le jour de Pâques il assiste, à Saint-Pierre, à la messe célébrée par le souverain pontife; il s’y rend dans un grand apparat, à la manière des anciens empereurs; devant lui le marquis de Brandebourg porte le sceptre, le seigneur de Boussu l’épée, Pierre-Louis Farnèse, fils du pape, le globe; la queue de son manteau est tenue par les princes de Bisignano, de Salerne, de Sulmone et le duc d’Albe; deux cardinaux marchent à ses côtés. Arrivé à la chapelle de Saint-Pierre, il prend place à la droite de Paul III. Pendant l’office, le même cérémonial est observé par le pontife et par l’empereur : tous deux se lèvent et s’asseyent en même temps; l’empereur ôte et remet sa couronne, quand le chef suprême de l’Église quitte et reprend sa tiare. Charles communie de la main du pape. La messe achevée, ils sortent ensemble : l’empereur retourne dans ses appartements; le pape, du haut du portail de Saint-Pierre, donne la bénédiction urbi et orbi.

Ces cérémonies religieuses et les réceptions officielles ne font pas perdre de vue à Charles-Quint les objets pour lesquels il est venu à Rome. Dans ses entretiens avec Paul III, il lui représente avec tant de force les dangers que court la religion en Allemagne, que ce pontife lui promet formellement de convoquer à bref délai un concile général[1]. Il fait en même temps le chef de l’Église juge de ses différends avec le roi de France, et n’a pas de peine à le convaincre que tous les torts sont du côté de ce dernier. En effet avec quelle ardeur le roi n’avait-il pas recherché la paix conclue à Cambrai? Cette paix signée, l’amiral de Chabot et les autres ambassadeurs envoyés par lui à Plaisance avaient déclaré spontanément à l’empereur « que non-seulement il ne désirait le duché de Milan et le comté d’Asti, mais encore que c’était un très-grand contentement à son royaume qu’il en fût quitte et n’eût plus rien à faire en Italie[2]. » Cependant, aussitôt après qu’il avait recouvré ses fils, il avait commencé à changer de langage; il était revenu à ses prétentions sur Milan, que l’empereur ne pouvait pas lui donner, puisqu’il en avait investi Francesco Sforza sur les instances et avec le concours des princes et États italiens. Sforza étant mort le 24 octobre 1535, sans laisser de postérité, les réclamations du roi étaient devenues plus pressantes. L’empereur alors lui avait offert le Milanais pour le troisième de ses fils, le duc d’Angoulême, qui aurait épousé Christine de Danemark, veuve de Sforza, ou une autre princesse de la maison impériale : mais il n’acceptait pas cet arrangement; il voulait le Milanais et le comte d’Asti pour le duc d’Orléans, son second fils, qui, du chef de sa femme Catherine de Médicis, formait déjà des prétentions sur les duchés de Florence et d’Urbin, et il en prétendait l’usufruit pour lui-même. L’empereur aurait peut-être fini par céder en ce qui concernait le duc d’Orléans, moyennant des garanties pour la sûreté des autres États italiens, lorsque, sous des prétextes frivoles, le roi avait envahi la Savoie d’abord (11 février 1536) et ensuite le Piémont (6 mars). C’était vouloir la guerre : car l’empereur ne pouvait souffrir, ni que le duc de Savoie, son beau-frère, fût dépouillé de ses États, ni que les Français occupassent des positions d’où ils menaçaient incessamment la Lombardie.

Charles-Quint devait quitter Rome le surlendemain de Pâques, 18 avril. Il apprend que les ambassadeurs de France se plaignent publiquement de lui, disant qu’il avait promis le duché de Milan à leur roi et lui avait manqué de parole; l’accusant d’être la cause des guerres passées; allant même jusqu’à lui imputer

  1. Il le convoqua par une bulle du 2 juin 1536, en indiquant le 23 mai de l’année suivante et la ville de Mantoue pour le jour et le lieu de sa réunion.
  2. Lettre de Charles-Quint a son ambassadeur en France, de la fin de novembre 1531. (Papiers d’Etat de Granvelle, t. I, p. 595.)