Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin il ne doutait pas que l’empereur ne le pressât pour la convocation d’un concile à laquelle il était absolument contraire[1]. Il céda néanmoins de crainte de déplaire au monarque qu’il avait tant de raisons de ménager[2]. Bologne fut une seconde fois choisie pour le lieu de l’entrevue; Clément s’y rendit le premier; Charles y fit son entrée le 13 décembre. Le pape était à la cathédrale; l’empereur alla l’y joindre et voulut lui baiser le pied : Clément ne le souffrit pas. Ils se dirigèrent ensemble vers le palais, où, comme la première fois, le logement de l’un et de l’autre avait été préparé.

Charles s’efforça en vain de convaincre le pape que l’intérêt de la religion, tout autant que la tranquillité de l’Allemagne, réclamait la prompte convocation d’un concile œcuménique. Clément répondit à ses instances en alléguant qu’il fallait commencer par régler avec toutes les parties intéressées le lieu de l’assemblée, la forme de ses procédés, le droit des personnes qui y auraient voix, le degré d’autorité de leurs décisions. Il était encouragé dans sa résistance aux vœux de l’empereur par les cardinaux de Tournon et de Gramraont que le roi de France avait envoyés à Bologne : François Ier ne voulait point d’un concile qui aurait servi à augmenter le pouvoir de son rival. Charles réussit mieux dans une autre affaire qui ne l’intéressait pas moins, si elle ne l’intéressait davantage, et c’était la conclusion d’une ligue nouvelle pour la défense de l’Italie, au moyen de laquelle il pût se décharger des troupes qu’il avait à sa solde dans le Milanais. Cette ligue fut signée, le 24 février 1533, par les plénipotentiaires de tous les princes et États italiens, Venise exceptée, qui déclara s’en tenir au traité précédent. Il y était stipulé que, au premier péril d’invasion, une armée dont Antonio de Leyva aurait le commandement, serait formée et entretenue à frais communs, suivant une proportion déterminée entre les confédérés. L’empereur essaya d’obtenir de Clément l’assurance qu’il ne contracterait de liaisons politiques ni avec le roi de France ni avec le roi d’Angleterre; il lui demanda Catherine de Médicis, fille du duc d’Urbin, pour Francesco Sforza. La réponse du pape à ces deux demandes fut loin de le satisfaire : Clément lui dit que, comme chef de l’Église, il ne pouvait se dispenser d’entretenir des rapports d’amitié avec les princes chrétiens, et que Catherine était promise au duc d’Orléans, second fils du roi du France.

Charles partit de Bologne le dernier jour de février, pour aller s’embarquer à Gênes. Il voulut visiter, en passant, le champ de bataille de Pavie : le marquis del Vasto lui expliqua les positions qu’avaient occupées les armées espagnole et française, et lui fit voir l’endroit où le roi de France avait été fait prisonnier. Arrivé à Gênes le 28 mars, il monta, le 9 avril, sur une des galères d’Andrea Doria qui le transporta, en douze jours, à Rosas, au comté de Roussillon. Là il prit la poste pour se rendre à Barcelone, où l’impératrice était venue l’attendre avec le prince Philippe et l’infante doña Maria.

Il avait convoqué, pour le 15 mai, à Monzon, les cortès générales des trois royaumes de la couronne d’Aragon; il en fit l’ouverture le 18 juin. Ayant laissé l’impératrice malade à Barcelone, il retourna le lendemain auprès d’elle, du consentement de cette assemblée : d’après les fueros de l’Aragon, le souverain, quand les cortès étaient réunies, ne pouvait pas s’absenter du lieu où elles siégeaient. Il revint à Monzon le 8 juillet. Le 20 décembre il mit fin à la session des représentants de la nation aragonaise, qui lui accordèrent un service de deux cent mille écus payable en trois ans. Quelques jours après il se dirigea vers la

  1. « Le pape redoutait le concile plus encore que le schisme ou l’hérésie; les trois conciles du siècle précédent n’avaient paru occupés qu’à limiter l’autorité pontificale. Il craignait davantage encore l’esprit de réforme qui pouvait se manifester dans le concile qu’on demandait. Il craignait de plus sa propre déposition, car les canons de l’Église excluent les bâtards de la chaire de Saint-Pierre. » (Sismondi, Histoire des Français.)
  2. Antonio Soriano, Relazione di Roma, 1535. (Relazioni degli ambasciatori veneti, sér. II, t. III, p. 300.)