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armure, et était coiffé d’un bonnet de velours noir. Il marchait sous un dais de drap d’or que portaient les principaux de la ville. Un échafaud garni de magnifiques tapis avait été dressé sur la Piazza Maggiore, joignant la façade de la cathédrale de San Petronio; c’était là que l’empereur devait être reçu par le pape, assis sur son trône, la tiare en tête, entouré des membres du sacré collége, d’une foule d’archevêques et d’évêques et des dignitaires du palais apostolique. Arrivé au pied de l’estrade, Charles descendit de cheval : avant d’en monter les degrés, il mit un genou en terre et fit la révérence au souverain pontife. Il s’agenouilla une deuxième fois en montant, et lorsqu’il fut près du saint père, il s’agenouilla encore et lui baisa le pied. Clément le releva, lui présenta sa main à baiser et lui donna l’osculum pacis. Charles, prenant la parole, dit au chef de l’Église en langue castillane : « Je suis venu, très-saint père, aux pieds sacrés de Votre Sainteté (ce qui est certainement ce que j’ai le plus désiré en ce monde), afin que, de commune volonté, elle et moi nous concertions et ordonnions les choses de la religion chrétienne qui sont en de si mauvais termes. Je supplie le Dieu tout-puissant, puisqu’il a daigné permettre que ce saint désir que j’avais s’accomplit, d’assister toujours en nos conseils, et de faire que ma venue tourne au bien de tous les chrétiens. » Clément lui répondit : « Dieu et tous les saints savent et me sont témoins, mon fils, que jamais je ne désirai rien tant que de nous voir réunis comme nous le sommes en ce moment. Je rends des grâces infinies à Notre-Seigneur de ce que Votre Majesté est arrivée ici en bonne santé et disposition. Je suis très-heureux de voir (et Dieu en soit béni et loué!) que les choses se disposent de façon à ce que par votre main la paix sera donnée à toute l’Italie. » L’empereur offrit au pape, en signe d’obédience, des médailles et des monnaies d’or et d’argent de la valeur de mille ducats. Après cela ils descendirent ensemble les degrés de l’estrade. Arrivés à la porte de San Petronio, Charles entra dans l’église et y fit sa prière; Clément continua son chemin, pour se rendre au palais, où il avait son logement et où il avait fait préparer celui de l’empereur.

Leurs appartements étaient disposés de sorte que des uns on pouvait aller secrètement aux autres; aussi le chef spirituel et le chef temporel de la chrétienté avaient-ils des conférences fréquentes[1]. La pacification de l’Italie en était le principal objet. Les Vénitiens se montraient disposés à traiter avec l’empereur; leur ambassadeur auprès du pape, Gaspare Contarini, avait reçu des pleins pouvoirs à cet effet; mais s’ils consentaient à rendre les places qu’ils occupaient dans le royaume de Naples, ils faisaient des difficultés de restituer au saint-siége Ravenne et Cervia dont ils s’étaient emparés au moment de la captivité de Clément VII; ils se refusaient surtout, afin de ne pas exciter les défiances du Turc, à entrer dans une ligue défensive des princes et États d’Italie contre toute puissance qui attaquerait l’un d’eux, ligue que l’empereur voulait absolument, car il craignait que, lui parti pour l’Allemagne et les princes français remis à leur père, il ne prît fantaisie à François Ier de reconquérir l’État de Milan. Le rétablissement de Francesco Sforza était une des conditions auxquelles les Vénitiens attachaient le plus de prix[2]. Charles-Quint était très-mécontent de Sforza, qui n’avait accepté aucune des propositions qu’il lui avait fait faire à son arrivée en Italie : à la persuasion de Contarini, le duc demanda à l’empereur un sauf-conduit qui lui fut accordé; le 22 novembre il arriva à Bologne. Quelques jours auparavant Charles avait dit à l’ambassadeur de Venise :

  1. Charles-Quint écrivait à l’archiduchesse Marguerite le 16 novembre : « Je suis icy avec le pape, et trouve S. S. fort inclinée et affectionnée à toutes choses concernant la paix et repos de la chrestienté, répulsion du Turcq et extinction des hérésies régnantes; et ay espoir d’y prendre quelque bon expédient et à la pacification de ceste Italie, et y entends d’instant à autre. »
  2. Charles écrivait à la même, le 22 janvier 1530 : « Les Vénitiens estoient absolument arrestez de non traicter sans que le duc Francisco fût remis à l’Estat de Milan. »