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nand serait fortement ébranlé et la chrétienté exposée à un éminent péril. Charles aurait voulu marcher incontinent au secours de son frère[1]. Mais s’éloigner de l’Italie avec la majeure partie de ses forces avant qu’elle fût pacifiée, était une détermination dont les conséquences éventuelles réclamaient de sa part l’attention la plus sérieuse : les Vénitiens en effet et leurs alliés les Florentins, le duc de Milan, le duc de Ferrare, pourraient profiter de son éloignement pour resserrer leur ligue ; peut-être même entraîneraient-ils la France à se joindre de nouveau à eux : quels dangers ne courraient pas alors les royaumes de Naples et de Sicile[2] ? Ces considérations l’engagèrent à accepter avec empressement l’offre que Clément VII lui fit de se rendre à Bologne, pour l’y rencontrer et conférer avec lui tant sur la pacification de l’Italie que sur les moyens d’extirper les hérésies régnantes et de repousser l’attaque du Turc[3]. Il quitta Plaisance le 26 octobre. Le 16 le seigneur de Brion, amiral de France, le secrétaire Bayard et un maître des requêtes de l’hôtel du roi étaient venus en cette ville, chargés par leur souverain de recevoir de lui la ratification de la paix récemment conclue, et d’assister à la prestation du serment qu’il ferait de l’observer : il accomplit cette dernière formalité le 18 octobre. Deux jours après, François Ier prétait le même serment à Paris, dans la cathédrale, de Notre-Dame, en la présence du seigneur de la Chaulx et du secrétaire des Barres, ambassadeurs de l’empereur[4].

Charles-Quint fit, le 5 novembre, en grande pompe, son entrée à Bologne, où Clément VII l’attendait, depuis le 24 octobre, avec vingt-cinq cardinaux et toute la cour pontificale. Parmi les troupes qui formaient son cortège, on remarquait, pour leur air martial et leur belle tenue, plusieurs compagnies d’hommes d’armes des vieilles ordonnances de Bourgogne qui étaient venues des Pays-Bas à travers l’Allemagne et avaient pris part aux opérations militaires sous les ordres du comte Félix de Werdemberg. Charles montait un genet d’Espagne richement caparaçonné et enharnaché ; il avait une robe de brocart d’or au-dessus de son

  1. « … En somme, ma bonne tante,… suis entièrement délibéré et déterminé… d’aller en personne, le plus tost que faire se pourra, au secours du roy mon frère : car sa nécessité est si grande et le péril si extrême que ne touche seulement à luy, mais à l’hasard de toute la chrestienneté, et ne le puis ny dois délaisser, pour le lieu que je tiens et le devoir de fraternelle amitié, et encoires pour m’estre si bon frère qu’il est… » (Lettre de Charles-Quint à l’archiduchesse Marguerite, du 23 septembre 1529).
  2. Lettre de Charles-Quint à Ferdinand, de la même date.
  3. Lettre du 23 septembre à Marguerite déjà citée.
  4. Sismondi (part. VII, chap. V) rapporte que « François Ier protesta à Paris, le 29 novembre 1529, contre le traité de Cambrai, comme lui ayant extorqué, contre les lois et usances de la guerre, en sus d’une rançon en argent, la cession du duché de Milan, comté d’Asti, seigneurie de Gênes. » M. de Leva (Storia documentata di Carlo V, t. II, p 561) parle de la même protestation, en lui assignant la date du 29 octobre. Tous deux se fondent sur une pièce donnée par Isambert, Anciennes lois françaises, t. XII, p. 337, d’après le Recueil de traités de Léonard, t. II, p. 367, auquel Dumont, Corps diplomatique, t. IV, part, II, p. 52, l’avait empruntée avant Isambert.

    La pièce citée ne porte ni date ni signature ; elle ne paraît être qu’un brouillon, et en la lisant avec un peu d’attention, on remarque qu’elle fut écrite bien après les mois d’octobre et de novembre 1529, puisqu’il y est question des deux millions d’écus à payer pour la rançon des princes français, comme ayant été reçus par l’empereur : or, ce payement se fit en même temps que la restitutionn des princes, le 1er juillet 1530. Au moment où les historiens que nous avons cités prétendent que François Ier protestait contre le traité de Cambrai, il faisait à l’archiduchesse Marguerite des propositions pour des alliances matrimoniales entre les maisons de Valois et d’Autriche, et son ambassadeur, le seigneur de Brion, tenait à l’empereur le language que nous rapportons dans la suite de cette notice.

    La vérité est qu’en requérant du parlement de Paris, le 16 novembre, suivant les ordres du roi, l’enterinement de ses lettres de ratification des traités de Cambrai et de Madrid le procureur général, Me François Rogier, protesta que cet entérinement ne pourrait nuire ni préjudicier au roi ni au royaume, et qu’il entendait, « ci-après et en temps oppurtun, débattre iceux traités d’invalidité et nullité, si métier était, et iceux faire casser et annuller comme nuls, frauduleux, faits sans cause, par force, violence et contrainte faites par le vassal contre son souverain seigneur, et comme dérogeant entièrement à la loi salique et autres constitutions et droits de la couronne de France, et contenant plusieurs obligations, renonciations, promesses et autres faits et articles que ledit seigneur n’eût jamais faits, passés, ni accordés, n’eût été lesdites force, violence et contrainte et pour parvenir nu recouvrement et délivrance de messeigneurs ses enfants. » (Dumont, t. IV, p. II, page 52.)