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et de la manière qui, de commun consentement, sera avisé plus sûr et plus convenable ; et me semble que par raison ne le pouvez aucunement, refuser, ni dire de n’être bien assuré, puisque y fûtes délivré en donnant vos enfants pour otages… Et si, dans quarante jours après la présentation de cette ne me répondez et ne m’avisez de votre intention sur ce, l’on pourra bien voir que le délai du combat sera vôtre, qui vous sera imputé et adjoint avec la faute de n’avoir accompli ce que vous promîtes à Madrid. »

Le roi d’armes Bourgogne, chargé par l’empereur de porter ce cartel au roi de France, quitta Monzon le même jour. Arrivé à Fontarabie, il demanda un sauf-conduit au gouverneur de Bayonne, qui le lui fit attendre pendant près de deux mois. Lorsqu’il n’était plus qu’à quelques lieues de Paris, à Lonjumeau, on l’obligea de s’y arrêter jusqu’au 9 septembre. Le lendemain François Ier le reçut dans son palais, entouré de toute sa cour. Au moment où Bourgogne parut, le roi, sans lui laisser le temps de parler, lui dit : « Héraut, m’apportes-tu la sûreté du camp, comme je l’ai écrit à l’empereur ton maître ? » Bourgogne réponndit : « Sire, permettez-moi de remplir mon office et de dire ce dont j’ai été chargé par l’empereur. » — « Non, repartit le roi ; il me faut avant tout la patente qui contienne la sûreté du canp. » Vainement le héraut, en conformité de ses instructions, insista pour remplir sa charge et donner lecture de l’acte dont il était porteur ; vainement il affirma que cet acte contenait, quant à la sûreté du camp, tout ce que le roi pouvait désirer : interrompu par lui à chaque parole qu’il proférait, il se vit réduit à se retirer sans avoir accompli son message. Telle fut l’issue de ce fameux défi qui avait retenti dans toute l’Europe : la manière dont il se termina ne contribua point à y faire respecter le nom de François Ier. Le marquis de Villena, l’un des plus grands seigneurs de Castille, put, avec vérité, écrire à Charles-Quint : « Il est notoire que Votre Majesté a accompli ce à quoi était obligé un prince de toute excellence; il l’est également que le roi de France ne l’a pas fait[1]. »

C’était sur les champs de bataille que devaient se vider les querelles qui divisaient les deux plus puissants monarques de la chrétienté. La campagne de 1527 en Italie avait été favorable aux armes de la France ; celle de 1528 eut pour elles des résultats tout différents : Lautrec, que François Ier avait placé à la tête des troupes envoyées par lui au secours de la ligue, mourut le 16 août devant Naples, qu’il assiégeait ; son armée, forcée de battre en retraite, se vit réduite à capituler à Aversa. Dans le même temps Andrea Doria passait au service de Charles-Quint, et bientôt après il soulevait Gênes, qu’il reconstituait en république sous la protection de l’Empereur. Les affaires de la France ne se rétablirent point en 1529 : une nouvelle armée française était entrée en Lombardie, l’été précédent, sous les ordres de François de Bourbon, comte de Saint-Pol ; le 21 juin, à Landriano, elle fut mise en déroute par Antonio de Leyva, qui commandait en chef les troupes impériales dans le Milanais.

Charles-Quint avait depuis longtemps un vif désir de passer en Italie[2]. Étant à Madrid, au mois d’octobre 1528, il résolut de le réaliser ; mais il voulut que son dessein demeurât secret jusqu’à ce qu’il fût en mesure de le mettre à exécution, afin que les princes et les États italiens n’en prissent pas de l’ombrage avant le temps[3]. Lorsque ses premiers prépa-

  1. « Notorio es que V. M. ha cumplido lo que un principe de toda excelencia era obligado, y asi lo es de no haverlo fecho el rey de Francia... » (Coleccion de documentos inéditos, etc, t, I, p. 67.)
  2. C’était — disait-il dans une instruction du 31 juillet 1527 donnée au baron de Veyre qu’il envoyait à Charles de Lannoy — « non pas pour s’y faire couronner, ce qu’il considérait comme peu de chose et commee de la vanité mondaine et qui ne lui donnerait pas plus d’autorité dans l’Empire qu’il n’en avait, mais uniquement pour parvenir à une paix universelle, procurer la réformation de l’Église, avec l’extirpation de la serte de Luther, et ensuite faire la guerre aux infidéles. »
  3. Instruction du 9 octobre 1528 pour François de Rupt, seigneur de Waury, envoyé au prince d’Orange, à Antonio de Leyva et à Andrea Doria.