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les assiégeants. Philibert de Chalon, prince d’Orange, avait pris le commandement de l’armée impériale : destitué enfin de toute espérance, Clément VII fit, le 5 juin, avec lui et les autres chefs de l’armée, une capitulation par laquelle il s’engageait à payer 400,000 ducats, à remettre au pouvoir de l’empereur, indépendamment du château Saint-Ange, Ostie, Civita Vecchia, Civita Castellana et les villes de Parme, de Plaisance et de Modène. Jusqu’après le payement de 150,000 ducats, le château Saint-Ange devait lui servir de prison, ainsi qu’aux treize cardinaux qui l’avaient suivi; alors il serait conduit à Naples ou à Gaëte, pour y attendre les ordres de l’empereur.

Quels que fussent les griefs que Charles-Quint avait contre le pape, il n’était point entré dans sa pensée de lui infliger l’humiliation qu’il subissait en ce moment; son désir était de détacher Clément VII de la ligue et de s’entendre avec lui; il aurait souhaité surtout que ce pontife voulût venir en Espagne, afin qu’ils concertassent les moyens d’assurer la pacification et la tranquillité future de l’Italie; ses dernières instructions à Lannoy et à Bourbon étaient conçues en ce sens[1]. Aussi, lorsque les nouvelles de la prise de Rome lui parvinrent à Valladolid, son étonnement fut extrême; ajouterons-nous, avec Robertson, que sa joie égala sa surprise, ou, avec Sandoval, que ces nouvelles lui causèrent une grande douleur? Les cœurs des princes sont des abîmes qu’il est difficile de sonder, et nous nous contentons de rapporter les faits tels qu’ils sont acquis à l’histoire. La cour et toute la population de Valladolid étaient en fête à l’occasion de la naissance et du baptême du prince Philippe[2]; de grands préparatifs avaient été ordonnés pour des joûtes, des tournois et d’autres divertissements publics : Charles commanda qu’on les fît cesser[3]; il se vêtit de deuil; il exprima au nonce la peine qu’il éprouvait de ce qui était arrivé; il envoya à Rome fray Francisco de Quiñones, général des Cordeliers, avec des lettres au pape où il l’assurait de son amitié. Il n’était pourtant point indifférent à la victoire que ses troupes avaient remportée, ni méconnaissant des services que Bourbon lui avait rendus : il fit célébrer pour le connétable, pendant cinq jours, des obsèques auxquelles il assista; il écrivit à Lannoy et à Antonio de Leyva afin que le corps de ce prince fût inhumé avec pompe à Naples ou à Milan; ses intentions n’ayant pas été remplies par eux, il chargea le prince d’Orange, qui avait succédé à Lannoy dans sa vice-royauté, de « donner ordre que ledit corps fût mis et sépulture au principal lieu où étaient les rois de Naples, et son sépulcre tant riche qu’il le méritait et comme à un roi se pourrait et devrait faire[4]. » Quand il connut mieux tous les détails du sac de Rome et ce qui s’était passé avec le pape, et qu’il eut reçu la capitulation du 5 juin, il adressa aux princes de la chrétienté des lettres où il protestait qu’il n’avait pu prévoir ni prévenir des faits qu’il était le premier à déplorer (2 août); il dépêcha à Clément VII Pierre de Veyre, baron du Mont-Saint-Vincent, l’un des gentilshommes de sa chambre, avec des propositions d’arrangement (31 juillet). La mort de Lannoy arrivée sur ces entrefaites (23 septembre), les retards apportés par le pape dans le payement de la plus grande partie des 400,000 écus qu’il devait, les mouvements de l’armée française en Italie, dont Clément VII attendait l’issue avant de se déterminer, furent cause que les négociations traînèrent en longueur. Enfin, le 26 novembre, un accord fut conclu en vertu duquel ce pontife fut rétabli dans l’exercice non-seulement de sa

  1. Lettres du 12 mai 1527.
  2. Né à Valladolid le 21 mai et baptisé le 5 juin.
  3. Cependant, d’après le témoignage de l’ambassadeur vénitien Andrea Navagero, le jour où l’empereur reçut les nouvelles de Rome, il n’en fit pas semblant, parce que ce jour-là devait avoir lieu un jeu de cannes pour lequel les seigneurs de la cour avaient fait des dépenses considérables, et qu’il était trop tard pour le contremander. (Cicogna, Delle Inscrizioni Veneziane, vol. VI, p. 197)
        Le jeu de cannes dont parle Navagero eut lieu le 6 juin; Sandoval (lib. XVI, § XIV) en donne une relation détaillée. L’empereur prit lui-même part à la fête.
  4. Lettre du 9 octobre 1528. (Bullet. de la Comm. roy. d’histoire, 3e série, t. XI, p. 300.)