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dans la Meuse ; un témoin l’estime à quatre ou cinq mille. Il est vrai que la colère du duc de Bourgogne n’était pas encore assouvie : non content d’avoir livré Liége aux flammes, il alla dévaster le pays de Franchimont, après avoir toutefois permis à Louis XI de retourner en France.

Le 15 janvier 1469, dans une assemblée solennelle présidée à Bruxelles par le duc de Bourgogne, les Gantois, repentants de leur dernière sédition ou plutôt terrifiés depuis la ruine de Liége, vinrent faire amende honorable. Charles fit lacérer la grande charte qui contenait les libertés de Gand, puis il dit aux députés : « Si vous tenez vos promesses, si vous voulez être nos bonnes gens et enfants, vous pouvez obtenir notre grâce, et nous vous serons un bon prince. » Quoique rude, impitoyable justicier, Charles n’avait pas encore perdu toute popularité : il était sans morgue avec les gens de la classe inférieure, et, qui le croira aujourd’hui ? on vantait son bon cœur. Le duc se trouvait encore en Brabant lorsque son beau-frère, Édouard IV, ayant été contraint de sortir d’Angleterre, vint chercher un asile en Hollande : Charles, qui le recueillit honorablement, allait favoriser de tout son pouvoir la restauration de son principal allié. Mais déjà Louis XI, en voyant tomber Édouard IV, avait lancé un nouveau défi au duc de Bourgogne. Il avait convoqué à Tours (1470) une assemblée de notables qui cassa le traité de Péronne et ajourna Charles de Bourgogne à comparaître devant le parlement de Paris. Le duc se rendait à la messe dans une église de Gand lorsqu’un huissier du roi vint lui présenter la citation ; pour toute réponse, il le fit jeter en prison et fouetter. Ce fut alors que, à l’exemple de Louis XI, lequel possédait déjà une troupe permanente, il conçut le projet de lever mille lances (cinq mille cavaliers), qui serviraient aussi toute l’année. Les états de Flandre, requis de voter les subsides nécessaires à cet effet, adressèrent à leur souverain des représentations très-respectueuses. Mais celui-ci ne voulut rien entendre ; il repoussa leurs doléances avec une hauteur inouie. S’adressant aux députés qui étaient venus le trouver à Middelbourg, il les apostropha en ces termes : « Vous Flamands, avec vos dures têtes, vous avez toujours méprisé ou haï vos princes ; s’ils étaient faibles, vous les méprisiez ; s’ils étaient puissants, vous les haïssiez. J’aime mieux être haï que méprisé. Gardez vous de rien entreprendre sur ma haulteur et seigneurie, car je suis assez puissant pour vous résister. Ce serait l’histoire du pot de fer et du pot de terre. » En janvier 1471, les troupes françaises occupèrent Saint-Quentin, Roye, Montdidier, Amiens. Mais bientôt le duc de Bourgogne, ayant rassemblé son armée à Lille, vint s’établir sur la rive gauche de la Somme. Une trève de trois mois, conclue à sa demande, facilita l’organisation d’un complot qui menaçait Louis XI d’une déchéance. Il s’agissait, en effet, de le remplacer par le duc de Guyenne ; d’assurer au duc de Bourgogne la Champagne et l’île de France ; à Édouard IV, qui venait de reconquérir sa couronne sur les Lancastriens, la Normandie et la Guyenne ; enfin d’ériger les autres fiefs en principautés féodales indépendantes. Mais la mort soudaine du duc de Guyenne rompit la ligue. Charles, désappointé, se jeta sur la Normandie. À Nesles, voulant venger son héraut égorgé par les francs-archers, il autorisa d’horribles représailles. « J’ai de bons bouchers dans mon armée », disait-il, en voyant les cadavres qui couvraient les dalles de l’église. Ce fut dans cette trsite expédition (1472) qu’il fut surnommé le Terrible.

Depuis cette époque, il ne cessa de vivre « l’épée ou poing, » ne dissimulant plus ses vastes projets. « Je sais par lui-même, nous dit Olivier de la Marche, qu’il ne voulait être le sujet de personne, mais se faire si grand et si puissant qu’il put être conducteur des autres. » En d’autres termes, il ne se proposait pas seulement de briser les derniers liens qui le rattachaient à la France ; il ne voulait même pas se contenter de former une puissance compacte, un royaume nouveau des États successivement réunis par ses prédécesseurs et qu’il devait en-