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ils devaient se plaindre à ce monarque des entreprises de ses officiers, qui prétendaient obliger les seigneurs du comté de Bourgogne, possédant des fiefs en France, à comparaître aux montres du ban et de l’arrière-ban, sous peine de perdre leurs fiefs; ils avaient aussi à lui demander des explications sur le dessein qu’on lui prêtait de faire la guerre au duc de Bretagne. Au mois d’octobre, nouvelle mission donnée à Carondelet : cette fois c’était en Allemagne. Entre le duc de Bourgogne et le roi de France les querelles étaient sans cesse renaissantes. Charles, en 1471, songea à faire une ligue offensive et défensive avec Ferdinand et Isabelle, roi et reine de Sicile, prince et princesse de Castille; il donna ses pouvoirs à Carondelet, à l’évêque de Tournai et à Arthus de Bourbon pour la conclure avec Juan de Lucena, ambassadeur de ces princes.

Le grand conseil des ducs de Bourgogne, devant lequel étaient portées, en appel et en dernier ressort, les sentences rendues par les tribunaux supérieurs des Pays-Bas, suivait partout le prince; il n’avait pas seulement à prononcer sur des questions contentieuses, mais il devait aussi s’occuper des affaires d’État et il en résultait, dans l’administration de la justice, des retards fâcheux. Charles, voulant remédier à cet inconvénient, résolut, au mois de décembre 1473, d’instituer à Malines un parlement sédentaire pour tous les Pays-Bas; il en nomma premier président Carondelet, qu’il avait fait son chambellan depuis quelque temps déjà. Cet établissement ne fut pas de longue durée; plusieurs provinces l’avaient vu de mauvais œil; elles le considéraient comme portant atteinte à leurs priviléges et à leurs coutumes : aussi sa suppression fut-elle l’une des premières choses que les états généraux assemblés à Gand, après la mort du duc devant Nancy, exigèrent de la princesse Marie, sa fille. On sait que Louis XI, profitant des embarras où se trouva cette jeune princesse, s’empara du duché et du comté de Bourgogne. Plusieurs écrivains[1] rapportent qu’il appela Carondelet à remplir les fonctions de président du parlement de Dijon : avec un peu de réflexion ils auraient compris qu’après avoir, pendant plus de vingt ans, servi la maison de Bourgogne et été comblé de grâces par elle, le seigneur de Champvans n’aurait pu, sans se déshonorer, accepter une charge quelconque des mains du mortel ennemi de cette maison. Ce qui a trompé ces écrivains, c’est une médaille conservée dans la famille Carondelet et qui porte pour inscription : Johannes Carondeletus Pres. Burg. Nous trouvons en effet ce titre de président de Bourgogne donné à Carondelet dans plusieurs lettrès-patentes des années 1478 et 1479 ; mais il est évident qu’il le tenait de Maximilien et de Marie : il le reçut d’eux, vraisemblablement, en compensation de la dignité qu’il avait perdue par la suppression du parlement de Malines[2]. Il siégea en cette qualité dans leur conseil.

Depuis le supplice de Guillaume Hugonet à Gand (3 avril 1477), la charge de chancelier de Bourgogne était vacante; Maximilien la destinait à Carondelet : il ne se pressa pas toutefois de la lui conférer, et ce ne fut qu’en 1480, après qu’il eut affermi son autorité dans les Pays-Bas, qu’il l’en revêtit. Il n’eut pas à regretter le choix qu’il avait fait : Carondelet montra, dans ses nouvelles fonctions, une expérience consommée des affaires, jointe à un dévouement sans bornes pour ses souverains; on raconte que l’archiduc avait l’habitude de l’appeler le bon chancelier. Il était avec Maximilien quand, le 5 février 1488, les Brugeois se saisirent de la personne de ce prince et le retinrent prisonnier en la maison de Craenenburg; il fut lui-même arrêté et mis en prison le 14 février. Les Gantois, qui avaient inspiré le soulèvement de Bruges, envoyèrent en cette ville, pour qu’on remît entre leurs mains le chancelier de Bourgogne, l’abbé de Saint-Bertin et d’autres mi-

  1. Dunod, Histoire du second royaume de Bourgogne. — Lesbroussart. — Biographie Didot.
  2. Nous n’avons pas trouvé les patentes qui nommèrent Carondelet président de Bourgogne; mais, en tout cas, nous ne saurions admettre, avec mademoiselle Murray (Eloge, etc., p. 55), « que l’on donnait le titre de président de Bourgogne aux présidents du grand conseil, établi d’abord, à Arras et, ensuite, rendu sédentaire à Malines par Charles le Hardi. »