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d’un secours inappréciable. Grâce à l’aide de l’illustre missionnaire, Carloman put, dès le 21 avril 742, réunir en synode les grands du royaume et les évêques australiens, et aplanir les difficultés les plus urgentes et les plus sérieuses. (Baluz. Capitular., tom. I, p. 145.) Dans la suite, une assemblée du même genre eut lieu d’année en année, et nul n’ignore l’importance que présente pour l’histoire de la civilisation dans nos contrées le concile tenu en 743 à Leptines ou Estines, en Hainaut, sous la présidence de saint Boniface. (Baluz. Capitular., tom. I, p. 150.)

Quand Carloman et Pepin se furent fortifiés de la sorte dans leur nouvelle position, ils se trouvèrent en mesure de faire face à tous les dangers. Le plus grand de tous les menaçait dans l’intérieur même de leur famille. En effet, si un bon nombre de leudes étaient mécontents du morcellement des royaumes au profit de Gripo, l’ambitieuse Sonichilde était moins satisfaite encore de la part exiguë que son fils avait obtenue dans l’héritage paternel. Aussi ne se fit-elle pas faute de pousser Gripo à la révolte, de souffler partout les divisions, et de décider même la jeune Hiltrude de s’enfuir secrètement avec quelques leudes au delà du Rhin et à se réfugier chez Odilo, duc de Bavière, qu’elle épousa sans en avoir demandé l’autorisation à ses frères. Ce fut donc contre la veuve de leur père et contre son dernier né que Carloman et Pepin eurent à sévir d’abord. Sonichilde et son fils s’étaient jetés dans la place forte de Laon, décidés à s’y défendre. Mais les deux frères vinrent avec leurs forces réunies attaquer la ville et l’enlevèrent sans beaucoup de difficultés. S’étant emparés de Sonichilde et de Gripo, ils enfermèrent celui-ci dans la forteresse austrasienne de Chèvremont[1], celle-là dans le monastère neustrien de Chelles-sur-Marne.

Une fois délivrés de leurs ennemis domestiques, ils purent s’occuper sérieusement de ceux du dehors, et, à coup sûr, il n’en manquait pas. Au sud, s’agitait l’Aquitaine où les Basques s’étoient mis sous les armes à la voix de leur duc Hunold, fils d’Eudès. À l’est et au nord, les Bavarois, les Alamans et les Saxons avaient formé une ligue et s’apprêtaient à briser le lien qui les rattachait à l’empire franc. De sorte que l’ancien territoire des royaumes mérovingiens semblait entouré d’un cercle de révoltes ou de défections et que la cause de chacun des deux maires palatins se trouvait également mise en question. Dans la communauté du péril, leurs efforts durent être communs aussi.

Aussitôt après la fermeture du synode que Carloman avait ouvert le 21 avril 742, ils réunissent leurs armées et marchent contre l’Aquitaine. Ayant franchi la Loire, ils dévastent la majeure partie de la Touraine, du Poitou et du Berry, d’où ils reviennent à l’approche de l’automne, avec un butin considérable et un grand nombre de prisonniers. Nous ne savons quelle cause les empêcha cette fois de pénétrer plus avant dans l’Aquitaine et de chercher à atteindre Hunold lui-même. Toujours est-il qu’avant la fin de la même année, ils franchissent le Rhin, s’avancent jusqu’aux sources du Danube et forcent les Alamans à se soumettre et à fournir des otages. Ce succès obtenu, ils s’engagent dans l’angle formé par le Danube et par le Lech. Là, Odilon de Bavière, assisté de plusieurs bandes de mercenaires saxons, alamans et slaves, avait élevé un vaste retranche-

  1. Karlomannus, Grifonem sumens, in Novo Castello, quod Juxta Arduennam situm est, custodiri fecit. (Einhardt. Annal., ad ann. 741.) Une note ajoutée par M. Pertz à ce passage d’Eginhardt, dans les Monumenta Germaniæ historica, indique la ville de Neufchâteau en Ardennes. Mais nous croyons que c’est là une erreur. Le Novum Castellium, dont il est question ici, est manifestement le même que celui qui se trouve mentionné dans une charte dressée par Charlemagne à Herstal en 779, mais que Miræus (Opp. diplomat. t. I, p. 496) prend à tort pour Aix-la-Chapelle. En rapprochant de ce document deux chartes de l’empereur Othion II, on voit que la forteresse qui servit de prison à Gripo ne fut autre que celle de Kevermont ou Chèvremont, près de Liége, laquelle, restaurée par Sainte Begge et par Anségise, fut le lieu où naquit Pepin d’Herstal. Ce dernier fit ù l’église de Sainte-Marie in Novo Castello plusieurs donations importantes que Charlemagne confirma simplement dans la charte de 779 et qui furent transférées par l’empereur Othon à l’église de Sainte-Marie d’Aix-la-Chapelle, après que Chèvremont eut été pris par l’évêque de Liége, Notger, en 980.