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couvrir de peintures un grand arc de triomphe, tâche dans laquelle il fit preuve à la fois de talent, d’habileté et d’originalité. Il partit ensuite pour l’Espagne et s’y fixa dans la riche et commerçante Séville, où il était déjà arrivé en 1537 et où il travaillait encore en 1552. Moralès, que les Espagnols ont caractérisé d’un mot en le nommant le divin, fut élève de Campana. Celui-ci a orné les édifices de Séville et des localités du voisinage de toiles où l’on remarque, dit Bermudez, un grande correction de dessin, une connaissance approfondie de l’anatomie du corps humain et de l’art de la composition, une sage entente du clair-obscur et la reproduction fidèle des expressions du visage et des attitudes. Son chef-d'œuvre, la Descente de croix, qui se trouve actuellement dans la sacristie de la cathédrale de Séville, est signé : Hoc opus faciebat Petrus Campaniensis et daté de 1548. Murillo aimait à s’arrêter devant ce tableau et l’on rapporte qu’un jour qu’on le pressait de quitter l’église, il s’écria : « J’attends le moment où notre divin Seigneur aura été entièrement détaché de la croix. » On ajoute qu’afin de donner une dernière preuve de son admiration pour le talent du vieux maître flamand, il voulut être enterré au pied de cette Descente de croix, devant laquelle il s’était si souvent agenouillé.

Campana était, en 1563, de retour à Bruxelles, où le magistrat résolut, le 27 mai, qu’on payerait dorénavant tous les ans, « à maître Pierre De Kempeneer, peintre, » la somme de 50 florins, que Coxie recevait auparavant pour exécuter les patrons des tapisseries bruxelloises. On n’a jusqu’à présent trouvé aucune autre indication qui se rapporte à notre artiste, dont les écrivains espagnols disent qu’il jouissait dans sa patrie d’une si grande considération qu’à sa mort le magistrat fit placer son portrait à l’hôtel de ville.

Campana laissa un fils, nommé Jean-Baptiste, qui ne revint pas en Belgique avec son père et qui ne fut, paraît-il, qu’un peintre médiocre.

Alph. Wauters.

Bermudez, Diccionario historico de los mas illustres professores de las bellas artes en España, t. I, pp. 201-204. — Nagler, Kunstler lexicon, t. II, p. 308. — Alphonse Wauters, Quelques mots sur le Bruxellois Pierre de Kempeneer (Bull. de l’Académie royale de Belgique, 2e série, t. XXIV).

CAMPEN (Jean), en latin CAMPANUS, théologien anti-trinitaire, né à Maseyck, dans l’ancien comté de Looz, et mort au pays de Clèves, en 1580, à un âge très-avancé. Il visita, à Cologne, le Collége des Trois Couronnes d’où il se fit renvoyer vers 1520 pour une cause restée inconnue. Cette disgrâce doit cependant avoir exercé une certaine influence sur l’attitude qu’il prit alors et conserva toute sa vie. Il composa un nouveau système de théologie arienne, et tout nous donne à croire qu’il le fit connaître sur les bords de la Meuse avant même que la réforme de Luther y eut des partisans. En 1528, il se rendit à Wittemberg où il vécut dans l’intimité des réformateurs allemands et se fit donner par eux le bonnet de docteur. Aussitôt après il se mit en opposition avec eux sur la question de la sainte Cène. Luther le traita avec sa rigueur ordinaire. Campen se fâcha et poursuivit en vain le réformateur à Marburg et à Torgau pour avoir avec lui, sur le thème le plus controversé à cette époque, une dispute publique. Il se retira alors, de guerre las, à Nimègue, auprès de son ami Wicelius et reprit dans les Pays-Bas, avec un certain succès, son apostolat. Sa secte adopta son nom. Un édit du duc Jean de Clèves, daté du 1er novembre 1532, nous apprend que Jean Campen et l’un de ses disciples, Henri de Tongres, sont bannis à perpétuité et sous peine de la vie de ses États. Ce fut alors qu’un savant gantois, Jean De Bruyn, qui était superintendant luthérien à Soest, en Westphalie, appela auprès de lui Campen, qu’il avait connu à Wittemberg, et le nomma son coadjuteur. C’était tout autant une bravade qu’une généreuse imprudence. Ils furent l’un et l’autre démissionnés en 1534 ou 1535 et remplacés par des luthériens orthodoxes. Les auteurs qui parlent de ces faits se contentent de qualifier ces deux personnages de zwingliens. Luther était plus dans le vrai en les confondant avec les anabaptistes dans une même réprobation. Cela ressort des ouvrages de Campen qui nous ont été conservés. Le