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de la même ville et chanoine de la métropole de Malines.

Nommé, le 7 mars 1638, censeur archiépiscopal des livres, Caelen donna, en cette qualité, une approbation éclatante au célèbre Augustinus de l’évêque d’Ypres, Corneille Jansen (Jansenius).

Par son testament, dicté le 6 mai 1638, une demi-heure avant sa mort, l’évêque d’Ypres légua le manuscrit à son chapelain Réginald Lami, en chargeant celui-ci de le faire publier par les soins de Caelen et de Libert Froidmont, professeur d’Écriture sainte à Louvain. Caelen et Froidmont se chargèrent de cette tâche périlleuse et prirent des précautions infinies pour dérober l’impression à la connaissance du public. Mais les Jésuites de Louvain n’en furent pas moins très-promptement informés de ce qui se passait. Ils s’empressèrent de communiquer leur découverte à l’internonce résidant à Bruxelles, et celui-ci essaya vainement d’arrêter l’impression d’un livre qui devait, pendant plus d’un siècle, susciter tant de querelles, de passions et de haines au sein de l’Église catholique[1]. L’Augustinus parut à Louvain en 1640, et l’internonce, agissant en vertu d’un ordre formel du souverain pontife, en prohiba la vente et la lecture dans les Pays-Bas. Caelen se trouva naturellement mêlé à la polémique ardente dont le livre de l’évêque d’Ypres devint aussitôt le sujet, et ce fut pour répondre aux attaques de ses adversaires que, d’accord avec Froidmont, il publia, en janvier 1641, un opuscule intitulé Epistola Liberti Fromondi et Henrici Caleni ad Patres Societatis, qui fut mis à l’index par un décret du 6 mars de la même année.

Malgré cette censure, l’archivêque Jacques Boonen conféra à Caelen la dignité d’archidiacre de Malines, et, en 1644, le même prélat usa de son crédit à la cour de Madrid pour déterminer Philippe iV à nommer l’éditeur de l’Augustinus à l’évêché de Ruremonde, vacant depuis plus de cinq ans. Cette nomination ne pouvait être agréable à Rome ; mais, comme Caelen, nonobstant la censure qu’il avait encourue, était resté un prêtre pieux et austère, le Saint-Siége consentit à passer outre, si l’évêque désigne rétractait ses erreurs dans une déclaration authentique. Caelen se rendit aux vœux du Pape et signa, devant l’internonce de Bruxelles, une formule d’abjuration portant que, quoiqu’il eût regardé jusque-là l’Augustinus comme contenant la pure doctrine de saint Augustin, il se montrerait désormais invariablement soumis aux décrets du Saint-Siége, qui avait condamné ce livre, et tiendrait pour erronées toutes les propositions et toutes les opinions proscrites ou à proscrire, en quelque auteur que ce pût être, et spécialement dans le livre de Corneille Jansen. Les derniers obstacles à son installation étaient ainsi levés, lorsque Caelen, revenant brusquement sur ses pas, se rendit, le 8 janvier 1646, auprès de l’internonce et lui déclara que, malgré ce qu’il avait signé, il ne pouvait s’empêcher de voir dans l’ouvrage de l’évêque d’Ypres un abrégé fidèle de la doctrine de saint Augustin. Il ajouta seulement que, par respect pour le souverain pontife, il ne le lirait plus et qu’il se contenterait « de lire désormais Corneille Jansen dans saint Augustin, après avoir lu jusqu’alors saint Augustin dans Corneille Jansen. » C’était renoncer aux honneurs de l’épiscopat, en rendant impossible l’assentiment du Saint-Siége ; aussi signa-t-il, le 28 mars suivant, un acte de renonciation au droit qu’il avait acquis par la nomination du roi d’Espagne.

A la suite de l’éclat produit par cette résistance opiniâtre, on est surpris de voir Caelen, quelque temps avant sa mort, cumuler avec ses fonctions d’archidiacre celles de vicaire général de l’archevêque Boonen. Il mourut à Bruxelles, dans la soixante-dixième année de son âge, et fut inhumé dans l’église de Sainte-

  1. Par une coïncidence digne d’être remarquée, Caelen et l’internonce Richard Pauli étaient tous deux originaires de l’ancien comté de Looz, faisant partie de la province actuelle de Limbourg. Caelen était né à Beeringen et Pauli à Cuttecoven. Voy. Histoire de la ville, de l’église et des comtes de Looz, par J. Daris, t. II, p. 35.