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casion des noces de Jacques Valois et de la sœur de la femme de Vaast Bellegambe :

Que maître aussi des couleurs l’on peut dire,
Comme l’aïeul que tout le monde admire.

Il y a quelques années l’admiration avait fait place à un oubli si profond, qu’aucun des écrivains qui s’occupaient de l’histoire de l’ancienne école flamande ne mentionnait le nom de Bellegambe. On ignore encore la date de sa naissance et l’époque de sa mort. Comme il était marié dés l’année 1504 et qu’il vivait encore en 1531 et en 1533, ou peut supposer qu’il naquit vers l’an 1475 et mourut vers l’an 1540. Son père, George, était cayelier ou fabricant de chaises et, par goût, joueur de corde ou ménétrier ; à ce dernier titre, il fut plusieurs fois maire ou président de l’association musicale dite la Confrérie de Notre-Dame du Joyel ou du Joyau, de Douai[1].

Jean Bellegambe, l’unique fils issu du premier mariage de George, épousa l’une des filles du craissier ou épicier Jean Lemaire. Les deux époux appartenaient l’un et l’autre à la bourgeoisie aisée, comme le démontrent divers document[2]. Le talent dont Jean fit preuve comme peintre, comme dessinateur, comme orfèvre, déterminèrent le magistrat de Douai et les corporations religieuses de cette ville à lui commander des travaux importants et variés. En 1509 et 1510, il peignit le chœur des chanoines de l’église Saint-Amé ; en 1516, il donna les modèles des orfrois d’une chasuble et de deux tuniques confectionnées pour le même chapitre, et il orna de peintures une niche ou chapelle de la porte de Lille ; en 1517, il reçut du magistrat cent livres pour avoir peint et doré les moulures du cadran du beffroi ; en 1519 et 1523, il fut chargé de dorer les armoiries, la légende et la couronne impériale sur des pierres placées à différentes portes de Douai ; ce fut lui encore qui traça les patrons des robes des gardes de la ville ; en 1522, il dora une main de métal servant à marquer l’heure sur le cadran du beffroi, et il exécuta pour l’empereur Charles-Quint, sur l’ordre des échevins de Douai, un plan de cette ville et de toute la contrée qui s’étend entre la Scarpe et la Somme ; en 1525, il peignit un tableau pour l’autel Saint-Maurand, dans la collégiale de Saint-Amé, et, l’année suivante, il fut chargé par les échevins de contrôler l’exécution d’un rétable que ces magistrats avaient commandé pour l’autel de la chapelle de Saint-Michel, dans la halle.

Pendant vingt années, ce fut Bellegambe que l’on choisit de préférence pour orner les monuments publics de Douai. C’est donc avant cette période qu’il fit son apprentissage et qu’il entreprit, probablement, un voyage en Italie ; plus tard, sans doute, il se voua exclusivement à la grande peinture, à la peinture religieuse, et se montra le digne continuateur des premiers maîtres Flamands.

Son œuvre capitale, que l’on appelle le polyptyque d’Anchin, parce qu’elle ornait autrefois le maître-autel de l’église de l’abbaye de ce nom, se compose de neuf panneaux : cinq intérieurs, et quatre extérieurs, se repliant sur les premiers, de manière à les cacher totalement. Sa largeur est de trois mètres dix centimètres sur un mètre cinquante-trois centimètres de hauteur. Le panneau central représente la Sainte-Trinité ; les volets latéraux, la Vierge et saint Jean-Baptiste ; les volets extrêmes, des saints personnages ; les panneaux extérieurs représentent : au centre, le Christ assis sur un trône et la Vierge offrant une couronne à la Trinité ; sur les volets extrêmes, les religieux de l’abbaye d’Anchin en prières. Au premier

  1. George Bellegambe se maria deux fois et habitait rue du Fossé-Maugart ou des Fèvres, aujourd’hui rue Haute-des-Ferronniers, près du n° 22 actuel.
  2. Outre son habitation, Jean Bellegambe possédait une maison au coin de la rue de la Cloris et du Palais, maison sur laquelle ses deux beaux-frères avaient également des droits, qu’ils lui abandonnérent par acte en date du 9 mars et du 16 septembre 1504, et une autre, rue de Lille, dont Jean hérita de son père lorsque celui-ci mourut, en 1520. Jean Lemaire lui légua de plus une quatrième propriété, formant le coin des rues de la Claverye et de la Saunerye, et qu’il vendit, le 2 juillet 1531, pour la somme de deux mille livres parisis. Notre peintre en eut ou en acquit encore d’autres, notamment une située rue de Lille, qu’il vendit en 1509, et une autre encore, où il fit construire, en 1511 et 1517, une galerie, une cuisine et d’autres dépendances.