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à Versailles et, plus encore, dans les salons et les cercles où la noblesse française, insouciante et dissipée, se livrait à tous les plaisirs, sans se douter que bientôt, dépouillée de ses honneurs et de ses richesses, elle aurait à opter entre l’échafaud et l’exil. Belderbusch, dont les fonctions diplomatiques n’exigeaient guère beaucoup de temps et d’efforts, prit largement sa part de cette insouciance et de ces plaisirs, jusqu’au jour où la prise de la Bastille et l’humiliation de la première des familles royales vinrent lui prouver qu’on se trouvait au début d’une ère pleine de catastrophes. Il quitta Paris avec de vifs regrets, lorsque l’Assemblée législative, jetant le gant à l’Europe monarchique, osa, le 20 avril 1792, déclarer la guerre à l’empereur d’Allemagne. Depuis cette époque, jusqu’à l’établissement du Consulat, il résida tour à tour au château de Terworm, à Cologne et en Suisse. Devenu Français par l’annexion de la Belgique et des provinces rhénanes, il retourna à Paris, aussitôt qu’il vit le premier Consul fermement décidé à mettre un terme au désordre. Le 23 germinal an X, grâce aux recommandations de quelques personnages influents, qu’il avait connus dans les dernières années du règne de Louis XVI, il fut nommé préfet du département de l’Oise. Dans ce nouveau poste, Belderbusch manifesta des qualités réellement éminentes. « Il déploya dans ces nouvelles fonctions, dit Michaud, tout ce que peut inspirer la philanthropie la plus éclairée. La mendicité extirpée, des comités de bienfaisance qui distribuèrent partout des secours, plus de vingt villages reconstruits après de funestes incendies, une nouvelle route de Calais, plus courte et plus sûre, tels furent les monuments de son administrations[1]. » L’éloge est mérité, mais incomplet. Il faut y ajouter que le préfet de l’Oise se voua, avec autant de zèle que de succès, à la diffusion de l’enseignement public, et que ce fut notamment pour atteindre ce noble but qu’il accorda une protection ouverte et constante aux anciens religieux qui se consacraient à l’éducation de la jeunesse. Il faut y ajouter encore qu’il fit les efforts les plus énergiques et même des sacrifices pécuniaires cousidérables, pour obtenir des populations rurales l’abandon des procédés incroyablement arriérés qu’elles suivaient dans la culture de leurs terres et dans l’élève de leur bétail.

Ce dévouement éclairé ne pouvait rester sans récompense. Déjà, au commencement de l’an XII, il fut présenté comme candidat au Sénat par le corps électoral de son département ; mais, malgré l’appui du ministre de l’intérieur, il ne fut pas nommé. En 1809, il fut de nouveau présenté par le corps électoral du département de la Roër (Aix-la-Chapelle). Enfin, par un décret du 8 février 1810, Napoléon le nomma sénateur et comte de l’empire[2].

Au mois d’avril 1814, Belderbusch eut le tort d’oublier cette bienveillance de l’empereur, en présence des baïonnettes étrangères. Cédant aux instances du prince de Talleyrand, il donna son adhésion à l’acte de déchéance, dont un autre de ses compatriotes, l’ancien professeur de Louvain Lambrechts, portait depuis plusieurs mois les « considérants » dans sa poche.

Cet acte de complaisance lui valut de la part de Louis XVIII des lettres de grande naturalisation ; mais il ne fut pas, comme plusieurs de ses collègues, appelé à prendre place dans la Chambre des pairs[3]. À partir de 1815, rentré dans la vie privée, il passait l’été au château de Terworm et l’hiver à Paris, consacrant, comme par le passé, une partie de ses richesses à des actes de bienfaisance et à l’encouragement des arts et des lettres.

Cependant cet administrateur éclairé,

  1. T. LVII de la première édition.
  2. Dans son Histoire chronologique du Consulat et de l’Empire, p. 870 (en note), M. Ad. Wouters se trompe en plaçant le comte de Belderbusch parmi les sénateurs nommés en 1813.
  3. Les lettres de grande naturalisation accordées au comte de Belderbusch furent transcrites sur les registres de la Chambre des députés, le 29 décembre 1814.