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lui écrivit pour le féliciter d’avoir échappé à ses ennemis et lui proposer la charge de munitionnaire en chef de son armée. Bourlette accepta, et s’en vint à Sinzich saluer le prince. Celui-ci lui fit bon accueil. « Je sais, Bourlette, lui dit-il, qu’à Liége ou vous a fait grand tort, mais vous avez dans cette ville des amis et je compte sur vous. Si je puis avoir le passage par Liége pour mon armée, j’ai l’issue à la main et le duc d’Albe en mon pouvoir. Il faut donc qu’à tout prix vous me procuriez ce passage. » Bourlette promit le succès. Tout sembla d’abord lui sourire. Magistrats et métiers lui mandèrent qu’ils étaient prêts à recevoir dans leurs murs le prince, à la condition qu’il s’engagerait à respecter les personnes et les propriétés, et qu’il serait muni d’assez d’argent pour subvenir à tous les besoins de ses gens. On sait avec quel bonheur et quelle adresse le prince-évêque déjoua à ce moment critique les plans et les espérances de ses ennemis du dedans et du dehors. Il fit, à leur exemple, bon marché de la neutralité du pays, et confia aux Espagnols la garde de sa capitale et de ses principales villes. Le prince d’Orange, déconcerté, passa la Meuse à Stockem et se mit en retraite vers la France. Bourlette, qui ne l’avait point quitté, fut fait prisonnier en voulant gagner Sedan. On le conduisit au gouverneur espagnol de Mézières. Son gendre se perdit en cherchant à le sauver. Faute de deux cents écus, prix fixé pour sa rançon, une longue agonie commença pour Bourlette. Le duc d’Albe le céda à son prince naturel, l’évêque de Liége, qui le fit transférer de Mézières à Bouillon. On avait saisi ses papiers; on savait sur son compte plus qu’il n’en fallait pour le perdre, et cependant on le coucha sur un chevalet, ou lui broya les os pour en apprendre davantage. Tout ce qu’on put tirer de lui, furent des réponses évasives. « Je n’ai décharge à présenter, disait le pauvre vieillard, et, quelle que soit la conclusion que l’on prendra contre moi, je demande que l’on me le fasse court. » Cette prière ne fut même pas exaucée. Ou le laissa encore languir trois mois en prison, jusqu’au mois de juillet 1569, avant de le remettre aux mains du bourreau. Il eut la tête tranchée et plantée sur une pique sur la place publique de Bouillon. Le R. P. Foullon rapporte, d’après une chronique de l’époque, que Bourlette fut exécuté à Saint-Trond, ce qui prouve que les contemporains étaient souvent moins bien informés que nous ne le sommes de ce qui se passait sous leurs yeux.

C. A. Rahlenbeck.

Backhuysen van den Brinck, Andries Bourlette, Een hoofdstuck uit de geheime geschiedenis van den vryheidsoorlog van 1568, uit de Gids. Amsterdam, 1844, t. VIII. — Archives prov.de Liége. Grand greffe des échevins. Rôles des causes de 1568 à 1573. — Archives générales du royaume à Bruxelles : Chambre des comptes, carton 109, litt. G, n° 13. — Correspondance avec l’évêque de Liége dans les papiers du Conseil des troubles.

BOURNONVILLE (Alexandre, duc DE), homme de guerre et diplomate, né le 4 novembre 1585, et mort dans l’exil, le 22 mars 1656, était fils du baron de Capres qui suit. Il fut créé, par Henri IV, duc et pair de France étant à peine âgé de quinze ans. Sa mère, qui avait été dame d’honneur de Marguerite de Parme, ne songea à faire de lui qu’un courtisan. Le château de Bruxelles, la Hofbourg de Vienne et les palais de Florence furent les seules écoles qu’il fréquenta. A vingt ans, il savait à peine tenir une plume, et toute sa vie il conserva une orthographe défectueuse. Au retour de ses voyages, le jésuite Duplessis, son gouverneur, ne trouva guère autre chose à dire à sa mère que : « Madame, je vous ramène Monseigneur en bonne santé. » Le jeune duc voulut tout naturellement suivre la carrière des armes. Les princes souverains des Pays-Bas espagnols accueillirent sa requête, le nommèrent capitaine d’une compagnie d’élite de trois cents Wallons, et, par surcroît, l’un des gentilshommes de l’archiduc Albert. Les affaires de Bohême allant assez mal, l’empereur Ferdinand II demandait avec instance de nouveaux secours en hommes à la cour de Bruxelles. L’occasion était belle : le duc Alexandre en profita. Il conduisit en Allemagne une petite armée de pié-