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mée chrétienne qui contrastait, par sa discipline, avec les bandes désordonnées courant pêle-mêle vers la Syrie et semant partout le pillage et le meurtre. La réputation de sagesse et de bravoure de Godefroid était si grande, que tous les croisés des provinces belges et lorraines, qui ne lui devaient aucune obéissance, s’étaient empressés de le reconnaître pour chef.

L’armée traversa l’Allemagne, la Hongrie, la Bulgarie et fut accueillie partout avec faveur, grâce au bon ordre que Godefroid faisait observer; elle arriva, le 23 décembre, sous les murs de Constantinople où elle devait attendre les princes des autres nations qui arrivaient avec leurs armées par la voie d’Italie.

Alexis Commène, qui régnait alors à Constantinople ne voyait pas sans effroi s’avancer cette armée au cœur de ses États; il avait cru se garantir contre les entreprises des croisés en retenant comme otage le comte de Vermandois, frère du roi de France, jeté par la tempête sur les côtes de l’Epire. Godefroid venait d’arriver à Philippopoli lorsqu’il apprit la captivité du comte de Vermandois; il considéra cet acte comme un outrage et en réclama énergiquement la réparation. Sur le refus de l’empereur grec, il ordonna de traiter la Thrace en pays ennemi et pendant huit jours ces paisibles campagnes devinrent le théâtre de la guerre. Après plusieurs combats sanglants où les Grecs furent battus, Alexis promit de rendre la liberté à son captif. Godefroid, apaisé, se remit alors en marche et traita de nouveau les Grecs comme des alliés. Toutefois la bonne harmonie ne dura guère. Alexis, qui avait obtenu du comte de Vermandois, avant de lui rerdre la liberté, une promesse d’obéissance et de fidélité, voulut que Godefroid consentit également à devenir son vassal. Cette prétention fut naturellement repoussée avec fierté et dès ce moment les croisés se trouvèrent privés des vivres que le gouvernement grec leur avait fournis en abondance jusqu’alors. Ils eurent de nouveau recours aux armes; après quelques jours de combat on se réconcilia cependant, mais de nombreux motifs de discorde existaient entre des peuples aussi différents de mœurs que les Grecs et les Latins; d’un autre côté, Alexis cherchait toujours, quoique sans succès, à obtenir de Godefroid le serment de vassalité; l’irritation de part et d’autre était arrivée au point que l’on devait s’attendre à une rupture éclatante et définitive lorsqu’une circonslance imprévue vint rétablir la paix. Bohémond, prince de Tarente, dont le père, Robert Guiscard, avait aspiré jusqu’à sa mort à faire la conquête de l’empire d’Orient et qui lui-même nourrissait des projets de conquête, venait d’arriver à Durazzo, avec les croisés de la Calabre, de la Pouille et de la Sicile; averti des motifs de mésintelligence qui s’étaient produits entre Alexis et Godefroid, il crut le moment venu de réaliser ses espérances ambitieuses; il fit conseiller à Godefroid de s’emparer de Byzance dont les croisés occupaient déjà un des faubourgs, promettant de venir à son aide avec les forces considérables dont il disposait. Godefroid, qui s’était armé pour combattre les infidèles et délivrer le Saint Sépulcre, eût cru manquer à son serment en secondant les projets ambitieux de Bohémont; il repoussa sa proposition d’une manière absolue. Alexis fut informé du danger qu’il avait couru et résolut alors de chercher de bonne foi à se réconcilier avec Godefroid; il lui envoya son propre fils comme otage et convoqua tous les chefs des croisés dans son palais. Godefroid s’y rendit environné d’un cortége imposant de princes et de chevaliers, et l’empereur, vaincu non moins par la générosité de Godefroid que par la force de ses armes, revêtit le prince Lorrain du manteau impérial, l’adopta pour fils, mit l’empire sous la protection de ses armes, promit d’aider les croisés par terre et par mer, de leur fournir des vivres, enfin de partager les périls et la gloire de leur expédition. Godefroid de son côté promit que toutes ses conquêtes sur les infidèles seraient des fiefs de l’empire d’Orient.

L’armée chrétienne se rassembla sur la rive asiatique du Bosphore; elle se composait de dix-neuf nations différentes de mœurs et de langage; elle se mit en