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Weyerman prétend avoir connu et visité Boudewyns qui, d’après lui, vécut pauvre, misérable, et résida à Bruxelles pendant plus de quarante années; il entre, à ce propos, dans des détails entièrement dépourvus d’intérêt et même de convenance. Descamps ajoute, comme renseignement historique, qu’il laissa deux fils, tout à fait indignes de leur père. Cette assertion, qui n’est fondée sur aucune preuve, nous semble être la suite d’une phrase de Weyerman, mal comprise ou mal interprétée par le trop léger et peu érudit auteur français. Weyerman raconte que Boudewyns, exhibant ses dessins à un acheteur, se plaint d’un tour indigne qui le prive de ses meilleures productions en ce genre, tour qui lui a été joué par « deux méchants garçons qu’il avait enseignés pour tenir leur mère en paix et en repos, et qui se sont enfuis avec ses cartons, ne lui laissant que le portefeuille qu’il venait de montrer[1]. » Quand on veut bien réfléchir aux niaiseries qui sont, la plupart du temps, la source des erreurs les plus graves commises par certains auteurs, on trouvera peut-être que notre explication pourrait être vraie. Mariette appelle notre peintre Antoine-François Baudouin, il en fait un élève de Vander Meulen, constate son séjour en France, mais tombe, à son tour, dans une erreur capitale, en disant qu’après la mort de Vander Meulen, Boudewyns retourna à Anvers où il s’associa avec Bout pour l’exécution de ses tableaux. Or, notre artiste était de retour, non pas à Anvers, comme le dit erronément Mariette, mais à Bruxelles, dès 1677, ainsi qu’il sera établi plus loin.

Les éditeurs de Mariette rendent à Boudewyns son prénom d’Adrien; c’est la seule rectification qu’ils fassent. Immerzeel, dans sa première notice, indique Antoine-François Bauduins comme un peintre et graveur flamand, né à Dixmude, en 1640. Il le fait, à son tour, élève de Vander Meulen; s’il est peu connu comme peintre, dit-il, il fut, par contre, un graveur remarquable. Il le fait mourir à Paris en 1700. Presque rien de tout ceci n’est exact. Plus loin, dans le même auteur, nous trouvons Antoine-François Boudewyns, né à Bruxelles en 1660, et mort dans la même ville en 1700, paysagiste de quelque mérite et collaborateur de Pierre Bout. Trois lignes en tout. Kramm procède autrement : nous trouvons d’abord chez lui Baudouin (Ant.-Franç.) confondu avec le comte de Baudouin, graveur médiocre; puis, plus loin, deux notices se suivent; la première est consacrée à Nicolas Boudewyns, paysagiste de Bruxelles, 1660-1700; la seconde à Antoine-François Boudewyns, le collaborateur de Bout, qu’il engage le lecteur à ne pas confondre avec Ant.-Fr. Baudouin, nommé, dit-il, erronément par Immerzeel, Bauduins. Nagler avertit, à son tour, de ne pas confondre Boudewyns avec Antoine-François Beaudouin, né à Dixmude ou peut-être à Bruxelles, et qui a gravé d’après Vander Meulen.

M. Villot cite l’opinion qui sépare Boudewyns en plusieurs artistes et qui le fait naître tantôt à Dixmude (et non Dixmunde comme l’imprime M. Villot) en 1676, tantôt à Bruxelles, en 1660. Après un résumé succinct, il conclut à ce que tous ces Baudouin, Beauduins, Boudewyns, etc., etc., ne font qu’un seul et même artiste.

On le voit, il était temps qu’une main savante vînt porter la lumière dans ce labyrinthe d’erreurs. Heureusement, dans la belle collection léguée au Musée d’Anvers par la douairière Vanden Hecke Baut de Rasmon, se trouvait un tableau de Boudewyns et Bout. L’on dut à cette occasion faire des recherches pour écrire une biographie exacte des deux peintres et M. Alex. Pinchart, venant en aide à M. Van Lerius, fournit en partie à ce dernier les renseignements nécessaires pour ajouter une page intéressante au catalogue du Musée d’Anvers.

Boudewyns naquit donc, ainsi que nous l’avons dit au début de cette notice,

  1. ... maar een paar schelmsche jongens, dewelke ik om de moeder in rust en in vree te houden heb toegesteld, zijn met alles haasop gespeelt, en hebben mij niets als deeze portefeuille gelaten. (Weyerman, Vies des peintres, etc., t. III, p. 314)