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avait accompagnés jusqu’à Cologne, profitant de cette occasion pour revoir, en passant, une dernière fois sa famille et son village natal. Ils parcoururent une grande partie de l’Allemagne et de l’Italie, recevant partout un accueil flatteur et faisant des découvertes précieuses dans la plupart des bibliothèques qui se trouvaient sur leur passage. A Rome surtout, la récolte fut abondante et fructueuse. Les hommes les plus distingués s’empressaient de venir partager leurs travaux et, pendant neuf mois, six copistes furent constamment occupés à transcrire des documents inédits ou des fragments de livres rares. Munis de lettres de recommandation de généraux de tous les ordres religieux, ils se livrèrent ensuite aux mêmes investigations à Naples, au Mont-Cassin, à Florence, à Milan, en Piémont et dans les villes les plus importantes de la France. Ils rentrèrent à Anvers le 21 décembre 1662, trouvant leur vieux collaborateur ravi des trésors qu’ils avaient ajoutés à ses collections scientifiques. C’était, en effet, un ample butin pour ce riche Musée des Acta Sanctorum, qui ne tarda pas à jouir, lui aussi, des honneurs d’une célébrité européenne. Quand Papenbroek était venu se joindre à Bolland et à Henschen, on avait été obligé de les faire descendre des sombres mansardes où leurs précieux matériaux, entassés jusqu’aux toits, laissaient à peine assez d’espace pour la table et les deux chaises qui formaient tout le mobilier des hagiographes. On leur avait donné, au-dessus du réfectoire, une salle spacieuse et bien éclairée, où ils purent enfin mettre un terme au désordre qui avait jusque-là régné dans leurs archives. Ils y placèrent, pour chaque mois, des armoires distinctes, où chaque jour avait sa case destinée à recevoir les pièces détachées. Au-dessous, un pupitre continu se trouvait à hauteur d’appui. Le reste des murs était garni de rayons de chêne réservés aux manuscrits et aux livres, classés dans un ordre parfaitement méthodique. C’était une bibliothèque spéciale, unique en son genre, qui défiait toute comparaison avec les collections analogues qu’on avait formées en France et en Italie. Plus d’un savant dévoué au protestantisme fit le voyage de Belgique pour venir admirer ces richesses, toujours généreusement mises à la disposition des historiens du pays et de l’étranger.

Après le retour de ses deux infatigables compagnons, Bolland s’était remis au travail avec une ardeur nouvelle. Sa mémoire avait triomphé des atteintes de l’âge et son intelligence, toujours jeune et vigoureuse, continuait à braver les labeurs de l’étude et les fatigues d’une interminable correspondance. Véritable type du savant des anciens monastères, cherchant ses seuls délassements dans les exercices religieux, il se faisait un devoir d’apporter chaque jour sa pierre au vaste monument dont il ne devait voir que les assises inférieures. Mais son zèle et son dévouement ne firent que rapprocher le terme de sa glorieuse et utile carrière. Le 29 août 1665, il fut frappé d’apoplexie à la porte du Musée où, quoique malade depuis quelques mois, il avait voulu se rendre auprès de ses chers collaborateurs. Il succomba le 12 septembre, laissant dans toute la chrétienté de vifs et unanimes regrets.

La religion ne fut pas seule à pleurer sa perte. La mort de Bolland devint le signal d’un deuil réel pour tous les érudits de son siècle, sans distinction de patrie ou de culte. Les Acta Sanctorum ne sont pas seulement un recueil de faits et d’exemples offerts aux méditations des âmes pieuses, une mine féconde pour l’histoire de l’Église dans tous les pays et à toutes les époques de l’ère chrétienne. On y trouve une infinité de détails sur la chronologie, la géographie, la législation, l’enseignement, les lettres, les beaux-arts, les métiers, les mœurs populaires, les guerres, les luttes entre les gouvernements et les peuples, la fondation des villes et l’origine des États modernes. Rien qu’en groupant les faits qui intéressent la Belgique et la France, on pourrait former une longue série de volumes. Bolland, en portant le flambeau de la critique dans le chaos des légendes du moyen âge, a rendu un service inappréciable à toutes les études historiques sans exception. Il est vrai que ce mo-