Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le roi Édouard songea à prendre sa revanche sur l’Espagne. Or, il se trouvait précisément à Bruges et dans les autres ports de la Flandre une soixantaine de gros bâtiments de commerce espagnols qui étaient venus charger du drap et de la toile. Leur chargement étant complet, ils s’équipèrent en guerre et mirent en mer. De son côté, Édouard avait rassemblé dans le port de Calais des forces navales suffisantes pour barrer le chemin à cette flotte et la prendre ou la détruire. Ses plus déterminés barons se trouvaient dans ces navires dont lui-même avait pris le commandement en chef. Celui sur lequel il avait arboré son pavillon était confié à la bravoure de Robert de Namur et de ses valeureux compagnons d’armes. Froissart (liv. I, ch. CCLXXI-CCLXXIV) nous a laissé une description vivante et animée du combat qui s’ensuivit et dans lequel les Espagnols laissèrent quatorze de leurs bâtiments au pouvoir des Anglais. On y lit qu’au plus fort de l’action, le navire commandé par Robert de Namur se trouva un instant dans le plus grand danger et faillit même être pris par deux vaisseaux espagnols ; mais, grâce à la bravoure de ses défenseurs, il parvint non-seulement à se dégager, mais encore à s’emparer des deux bords ennemis.

Quelle part le sire de Spontin prit, depuis l’an 1350 jusqu’en 1369, à la guerre entre la France et l’Angleterre, nous ne le savons pas. Mais, durant cet espace de temps, nous le voyons intervenir dans un grand nombre d’actes importants du gouvernement du comte de Namur, d’où l’on peut inférer qu’il jouissait d’une haute considération dans les conseils de ce prince.

En 1369, lorsque le duc de Lancastre, débarqué à Calais avec des forces considérables, les eut conduites à Tournehem, entre Ardres et Saint-Omer, où il se retrancha en présence d’une armée française que le roi Charles V s’apprêtait précisément à lancer sur l’Angleterre, le sire de Spontin et Robert de Namur reparurent tout à coup sous la bannière anglaise, cherchant une occasion de faire acte de prouesse. Mais cette fois encore l’occasion de se signaler leur fut refusée, l’armée française ayant presque aussitôt reçu l’ordre de se dissoudre, après quelques escarmouches de peu d’importance. Une de ces rencontres donna lieu à un épisode chevaleresque dont Froissart n’a pas manqué de prendre note et dont les deux hommes d’épée belges furent les héros. A la fin d’une nuit, comme les guerriers namurois venaient de faire le guet, on annonça tout à coup qu’un corps français s’avançait vers l’endroit où ils avaient leur quartier et se disposait à attaquer le camp. Aussitôt Robert de Naraur s’adressant au sire de Spontin : « Allons aider nos gens ! » lui dit-il. Puis, ayant mis son bassinet sur la tête et fait dérouler la bannière qui était plantée devant sa tente, il s’élança au-devant de l’ennemi avec quelques-uns de ses fidèles. Plusieurs essayèrent vainement de le retenir jusqu’à ce que le duc de Lancastre eût été prévenu ; mais il s’écria : « Qui voudra envoyer devers monseigneur de Lancastre, si envoie ; et qui m’aime, si me suive ! » Sans plus ajouter un mot, il partit, l’épée au poing, ayant à ses côtés le seigneur de Spontin et messire de Senseilles, ainsi que plusieurs autres chevaliers qui furent bientôt en bataille. Leurs gens avaient engagé le combat avec les Français qui étaient en grand nombre. Mais ceux-ci, voyant arriver la bannière de Namur, crurent que toute l’armée anglaise la suivait, et ils se replièrent prudemment.

Pendant le court séjour que les Anglais venaient de faire dans l’Artois, le sire de Spontin avait pu se refaire quelque peu la main à la lance et à l’épée, après avoir passé tant d’années dans les conseils du comte de Namur. De sorte que la bataille de Bastweiler, à laquelle il devait prendre part, ne le trouva pas au dépourvu. Nous ne rappellerons pas ici les causes qui amenèrent entre Guillaume, duc de Juliers, et Wenceslas, duc de Brabant, cette querelle par laquelle fut motivée l’invasion des terres du duché rhénan par l’armée brabançonne, en 1371. On sait que, le 22 août, cette armée se trouva en présence des forces réunies du duc de Juliers et du