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guère, car il quitta Malines et se mit à voyager en Allemagne. On sait qu’il s’arrêta à Heidelberg et qu’il y séjourna deux ans, toujours occupé de ses études. Il est probable qu’il fut séduit par la beauté des sites, qui plus tard devaient inspirer son pinceau. En effet, l’ouvrage cité par l’auteur du Schilderboek comme le chef-d’œuvre du maître, Dédale et Icare, représente un paysage accidenté, souvenir probable du Rhin et des vieux châteaux allemands. Ce tableau appartenait au pensionnaire Jean Vander Mander (sic), à Gand, cousin de Charles Van Mander, le peintre-biographe. Celui-ci en fait une longue description et un grand éloge. Il mentionne surtout un rocher baignant dans l’eau et surmonté d’un vieux château qui semblait sortir de la roche moussue comme la plante sort de la terre. Les lointains, le reflet des objets dans l’eau où l’on voyait surnager les plumes d’Icare, détachées par les rayons solaires qui avaient fondu la cire, les figurines, les avant-plans, tout obtient l’approbation de ce juge compétent et toujours estimé. Cette composition a été gravée par Sadeler.

La patrie avait de nouveau attiré Jean Bol : il était revenu à Malines en 1560, car cette année il fut inscrit sur le registre de la corporation de Saint-Luc. Sa réputation était faite; ses paysages étaient alors exécutés à la détrempe, on y admirait une pureté remarquable, une manière ferme et large, une invention et un aspect des plus agréables, un coloris plein d’harmonie. Les amateurs et les marchands recherchaient également ses tableaux et les payaient largement. Tout marchait donc à souhait pour l’artiste, lorsqu’en 1572, Maliues fut surprise et ravagée par les gens de guerre. Jean Bol fut dépouillé de tout ce qu’il possédait et s’enfuit à Anvers où il arriva pauvre et presque sans vêtements. Un homme généreux, un amateur d’art dont, grâce à Van Mander, le nom est venu jusqu’à nous, Antoine Couvreur, de Bailleul, accueillit l’artiste, dont sans doute il connaissait les œuvres, l’hébergea généreusement et remonta sa garderobe. Jean Bol trouva bientôt à s’occuper à Anvers. Il y fut reçu bourgeois de la ville en 1575. Le vieil auteur auquel nous devons tant de renseignements précieux, nous parle d’un ouvrage d’enluminure qu’il exécuta à cette époque et qui consistait en un livre représentant toutes espèces d’animaux, oiseaux, poissons et objets curieux dignes d’être reproduits, le tout d’après nature.

Au xvie, tout aussi bien qu’au XIXe siècle, on connaissait la contrefaçon; déjà, à cette époque, les artistes étaient victimes des brocanteurs, doublés de faussaires, qui achetaient les tableaux, les copiaient à s’y méprendre et les vendaient comme provenant du maître; cela arriva si souvent à Jean Bol qu’il résolut d’abandonner la peinture à l’huile. Il fit alors beaucoup de gouaches, d’enluminures et de miniatures; ce sont probablement des œuvres de cette époque que possèdent les bibliothèques de Paris, de Berlin et de Vienne. En ce temps, malheureusement, les jours de calme et de prospérité n’étaient pas de longue durée; la guerre et ses tristes conséquences décourageaient les acquéreurs et ruinaient les artistes. Alors que notre pauvre Hans avait à peu près oublié ses pertes de Malines, il dut fuir de nouveau devant les troubles qui désolaient Anvers, et, en 1584, il se dirigea vers la Hollande. Il s’arrêta d’abord à Berg-op-Zoom, de là il se rendit à Dort, où il habita environ deux années, et, après un séjour à Delft, il s’établit enfin à Amsterdam. Sans doute il y fut bien apprécié, car il y exécuta un grand nombre de compositions, choisissant de préférence des vues d’Amsterdam, tantôt du côté de l’eau, tantôt du côté des terres; puis il peignit les villages environnants et Van Mander nous raconte que ces divers travaux lui rapportèrent beaucoup d’argent. Entre autres l’auteur du Schilderboek mentionne un ouvrage exécuté pour un sieur Jacques Razet, amateur qui en possédait plusieurs du même maître. — C’était un Calvaire assez grand, avec beaucoup de figures, où l’artiste avait déployé tout son talent, aussi bien pour les figures que pour les nus, le paysage, les chevaux, etc. C’était,