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duisirent, entre autres, Teste, Mauguin, Hennequin, Philippon, Imbert, Agier, et un Namurois devenu dans la suite non moins illustre que Blondeau, mais dans un autre domaine, le baron de Stassart. Les deux compatriotes avaient été condisciples dans leur ville natale ; sur le nouveau théâtre où ils se retrouvèrent en face l’un de l’autre, leur émulation ne fit que resserrer les liens d’une étroite amitié, dont la tombe seule, où ils descendirent presque simultanément, eut le pouvoir de marquer le terme.

Le moment vint de se séparer, sauf à se revoir aussi souvent que possible. A peine majeur, Blondeau fut nommé, en mars 1806, professeur suppléant à l’école de droit de Strasbourg. Ses leçons furent très-remarquées ; mais ce qui leur donna surtout du retentissement, ce furent les témérités du débutant en matière de méthode, et le peu de révérence qu’il témoignait pour les opinions juridiques admises sans examen. Des adversaires déterminés s’agitèrent autour de lui. L’orage éclata lorsqu’il fut chargé, quoique le plus jeune des professeurs, de prononcer le discours de rentrée le 2 novembre 1807. Il saisit trop avidement, il est vrai, cette occasion de proclamer bien haut ses tendances réformatrices. « Il le fit, dit M. de Saint-Gresse, avec la hardiesse un peu superbe d’un jeune homme de vingt-trois ans, et avec un ton contempteur des opinions d’autrui qui lui valurent l’hostilité de plusieurs confrères, dont il venait troubler la science toute faite et les horizons définis et restreints. On le dénonça comme un novateur dangereux… » L’autorité supérieure ne se laissa pas circonvenir : le 2 juillet 1808, Blondeau passa comme professeur suppléant à la Faculté de droit de Paris. Le 20 décembre de l’année suivante, il reçut le diplôme de docteur.

A Paris, nouvelles luttes à soutenir. Blondeau eut l’honneur d’échouer, en 1810, avec MM. Dupin, Persil et Bavoux, dans un concours ouvert pour la chaire de droit français approfondi, de création récente, et pour la chaire de droit civil, que la mort de Portiez (de l’Oise) laissait inoccupée. La voix prépondérante du président du concours, baron Fayet de Nougarède, fit seule pencher la balance en faveur de M. Boulage.

Faut-il voir un symptôme de découragement dans la résolution que prit alors Blondeau de se faire inscrire au tableau des avocats de la Cour royale de Paris ? En tous cas, il possédait trop clairement la conscience de sa force pour se laisser longtemps abattre. Il n’hésita pas à décliner, en 1811, les offres du ministre de la justice, qui avait pensé à l’envoyer à Leeuwarden, en Frise, avec le titre de procureur impérial. Une voix secrète lui disait que ses méditations philosophiques, ses patientes études qu’il faudrait interrompre, enfin ses premiers succès comme professeur lui imposaient l’obligation de rester à Paris. Bientôt, en effet, l’horizon s’éclaircit. M. Berthelot, professeur de droit romain, étant tombé malade en 1812, Blondeau fut chargé de le suppléer. Le titulaire mourut en 1814 ; le suppléant devint intérimaire. Enfin, en 1819, il conquit définitivement la chaire vacante, au concours. Ce ne fut pas sans peine. Une coterie s’était encore formée contre lui. Sans M. Royer-Collard, qui fit adjoindre au jury quatre membres choisis dans l’élite de la magistrature et du barreau, elle aurait peut-être triomphé. Il ne fallut rien moins, pour la vaincre, que les suffrages des nouveaux juges et la voix prépondérante du président.

Depuis le 15 octobre 1815, Blondeau était juge suppléant au tribunal de première instance de la Seine. Il donna immédiatement sa démission, qui toutefois ne fut agréée qu’en 1820.

Libre enfin de se consacrer tout entier à ses chères études et à son enseignement, il déploya, dans le cours de la période suivante, cette activité persévérante et résolue qui, mise au service d’une intelligence d’élite, peut seule amener de grands résultats. Ses écrits lui firent autant d’honneur que ses leçons. Il tint longtemps, en France, le sceptre de la philosophie du droit, et son influence sur le progrès des études fut des plus considérables. Les distinctions vinrent à leur