Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuisinières et fort bien traités. Beuckelaer travailla beaucoup pour la Hollande ; Amsterdam, Haarlem, Middelbourg possédaient de ses ouvrages. Parfois il essaya de l’histoire avec succès et orna des intérieurs de figures de grandeur naturelle. De ses tableaux d’histoire, Van Mander cite les Quatre Évangélistes et la Famille de sainte Anne. Malgré ses efforts, Beuckelaer dut, pour vivre, se mettre même à la solde d’autres artistes ; c’est ainsi qu’il peignit les costumes dans les portraits d’Antoine Moro et d’autres pour un salaire d’un florin par jour. Pour cinq ou six livres, il exécutait des pièces capitales. Parmi les toiles que cite Van Mander, on remarque un Ecce homo, très-vanté, qui a dû appartenir à l’empereur. Le même sujet se trouve actuellement à Florence et à Munich, et il serait intéressant de pouvoir constater si l’un de ces tableaux est l’œuvre dont nous entretient le vieil auteur. Beuckelaer mourut à Anvers, où il travaillait pour un général nommé Vitelli (c’était au temps où le duc d’Albe se trouvait dans les Pays-Bas). La plupart des auteurs adoptent l’année 1570 pour date de sa mort, sans pouvoir cependant la préciser exactement. Immerzeel seul a commis une grave erreur en faisant décéder notre artiste octogénaire en 1610.

Ce n’est pas faire une supposition très-hasardée que de croire que l’insuccès de ses travaux fut cause de la mort prématurée de Beuckelaer ; en effet, il était âgé d’environ quarante ans, dit Van Mander, qui nous donne l’année précise de la naissance, et il déplora en mourant que sa vie durant il avait travaillé pour des sommes si minimes. Le coloris de ce peintre est fort beau, sa touche délicate ; il sut bien rendre la nature et il rappelle son maître par l’ensemble de sa manière. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, on voit de lui, à Florence, un Christ montré au peuple, et à Munich, un Marchand de poisson avec sa femme et sa fille et une Foire avec la représentation de l’Ecce homo devant le palais de Pilate. Cette dernière composition est en petites figures et porte la date de 1568. Le portrait de Joachim Beuckelaer a été gravé par H. Hondius ; Lampsonius y a inscrit des vers ; c’est le même portrait d’après lequel a été fait celui contenu dans la grande édition de Van Mander.

Ad. Siret.

BEUCKELS (Guillaume), ou BUCKELS, industriel. Ce personnage, quelque peu légendaire, appartient à la Flandre zélandaise. Il semble être né à Biervliet, dans la seconde partie du xiiie siècle. Certains biographes prétendent qu’il vit le jour à Hughenvliet, village englouti par la mer en 1404 et qui était situé, selon les uns, dans l’île de Cadsant ; selon d’autres, dans la paroisse de Slype, près d’Ostende. Il doit sa célébrité à une invention, en apparence fort modeste, mais qui enrichit sa patrie d’une industrie devenue considérable, surtout dans le nord des Pays-Bas, à savoir celle d’encaquer et de conserver le hareng. Le savant Raepsaet, en examinant les titres de Beuckels à cette invention, fournit de longs détails sur l’opération de la caque du hareng, laquelle n’a rien de commun avec celle de la salaison de ce poisson connue depuis les temps les plus anciens. La caque consiste à faire à la gorge du hareng une incision par laquelle on retire les intestins et d’autres parties visqueuses ; puis on le sale et on le paque dans des tonnelets avec une saumure particulière. Ce mode de conserver ce poisson permet de l’expédier dans les contrées lointaines, ce qui ne saurait être obtenu par la simple salaison.

Du temps de Charles-Quint cette industrie avait déjà acquis une telle importance que ce prince, se trouvant à Biervliet avec ses sœurs, les reines de France et de Hongrie, voulut honorer la mémoire du bienfaiteur de la contrée en allant visiter son tombeau dans l’église de Notre-Dame, où il était inhumé. On a contesté à Guillaume Beuckels le mérite d’avoir trouvé le moyen de préserver de la corruption le hareng[1], dont la pêche était si abondante sur les côtes de Zélande et de Flandre, que ce poisson servit longtemps, dit-on, à engraisser

  1. Noël, Histoire générale des pêches anciennes et modernes, 10 vol. in-4o.