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questions qui lui furent adressées, et les conseillers du roi s’écrièrent tout d’une voix qu’il n’était qu’un imposteur.

La nuit suivante, le faux Baudouin, croyant, et non sans raison, sa vie en péril, monte à cheval et s’enfuit de Péronne. S’arrêtant à peine à Valenciennes pour y prendre l’or qu’il y a déposé, oubliant le dévouement patriotique des habitants de la Flandre et du Hainaut qui auraient versé leur sang pour le défendre, il gagne les bords du Rhin. Il ne reste à ses partisans, qu’il abandonne si honteusement, qu’à imaginer de nouvelles fables. L’archevêque de Cologne et l’évêque de Liége ont reconnu, disent-ils, l’empereur Baudouin, et c’est pour se rendre à leurs instances qu’il s’est dirigé vers Rome afin que le père commun des fidèles annonce à tous les peuples chrétiens qui ont pris part à la croisade, la miraculeuse réapparition du prince dont les exploits et les infortunes ont tour à tour ému toute l’Europe chrétienne.

Tandis que les communes de Flandre et de Hainaut se voyaient réduites à aller s’humilier à Péronne, un seigneur de Bourgogne, Erard de Chastenay, rencontra à Rougemont un ménestrel qui portait sa vielle d’une main qui, la veille encore, tenait un sceptre. Il le fit arrêter et le livra, moyennant une somme de quatre cents marcs d’argent, à la comtesse de Flandre, qui le fit pendre ignominieusement aux halles de Lille. « Je suis, dit le vieillard avant de mourir, un pauvre homme qui ne doit être ni comte, ni duc, ni empereur, et tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par le conseil des chevaliers, des dames et des bourgeois de ce pays. » Néanmoins, pendant longtemps encore, la légende des bois de Glançon trouva cours dans les traditions populaires, et on s’obstina à voir dans les malheurs qui s’appesantirent depuis lors sur la comtesse Jeanne, l’expiation d’un crime.

Kervyn de Lettenhove.

BERTULF, fils d’Erembald, châtelain de Bruges, né à Furnes, vers le milieu du xie siècle. Ce personnage, tristement célèbre dans l’histoire de la Flandre, occupait, lors de l’assassinat de Charles le Bon, la place de prévôt de Saint-Donatien, à Bruges, et était de ce chef chancelier héréditaire du comte de Flandre. Les historiens ont jugé diversement les meurtriers du bon comte. Ils sont unanimes à dire que ce furent les neveux de Bertulf, et surtout Borsiard, qui commirent le crime. Toutefois les mots du chroniqueur contemporain, Gautier (partie VI, chap. 26, n. 38) insinuent que Bertulf fut leur complice[1]. M. le chanoine Carton a tâché, dans les Hommes remarquables de la Flandre occidentale, de disculper Bertulf de toute participation à ce meurtre. Il est, je crois, le seul de son opinion, que nous abandonnons à la saine critique. Coupable de complicité, ou innocent, ainsi qu’il prétendit l’être, Bertulf crut plus prudent de s’évader que de se laisser appréhender lors du mouvement populaire qui suivit l’indignation générale, après la mort du comte Charles. Le 16 mars 1127, le prévôt s’échappa de Bruges, erra à travers champs jusqu’à Keyem, d’où il se rendit à Furnes. Poursuivi par des hommes d’armes, il fut arrêté à Warneton et livré aux mains de Guillaume d’Ypres. Conduit dans la capitale de l’ancienne Flandre occidentale, l’ex-chancelier de Flandre, dont relevait la justice de tout le comté, tomba entre les mains d’une populace frénétique, qui, comme le dit Gualbert, le tirailla de droite à gauche au moyen de longues cordes, en l’accablant de paroles injurieuses. Il fut conduit sur la grand’place d’Ypres, où il expira attaché à un ignoble gibet. Il est inutile d’entrer dans les longs détails de la lugubre histoire du meurtre de Charles le Bon et du supplice de Bertulf ; nous renvoyons le lecteur aux sources originales de Gualbert et de Gautier, si savamment commentés par les Bollandistes (Acta SS. Mart., t. I, p. 152 et suiv.).

J. Vande Putte.

*BERTULPHE (Saint) ou BERTOUL, d’origine allemande, premier abbé et fondateur de l’abbaye de Renty, en Artois, mort vers l’an 705. S’étant converti au christianisme, il quitta son

  1. O insanissime Bertulphe, quid consentisti ?