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sacré par un légat du saint siége ; il reçut, à Soissons, l’onction des mains de saint Boniface. La reine Bertrade, sa femme, fut couronnée avec lui ; par là, Pépin faisait adopter à la nation les enfants qu’il avait de cette princesse, il évitait toutes les contestations qui auraient pu s’élever au sujet de la succession au trône et l’assurait ainsi à ses fils déjà nés. Quant à la date du mariage de Pépin et de Bertrade, elle n’est point indiquée dans le manuscrit des annales de Saint-Bertin. Il est probable qu’il eut lieu en 746, lorsque la retraite de Carloman donna un libre cours à l’ambition de Pépin. La date de 747, assignée à la naissance de Charlemagne par l’auteur des Annales Petaviani, date dont l’inexactitude semble préméditée, confirme cette opinion.

La reine Bertrade, mère de Charlemagne et de Carloman, qui s’étaient partagé l’héritage de leur père, exerçait sur ses fils un empire qu’elle n’employa qu’à entretenir la paix entre eux et avec leurs voisins. Elle avait formé le projet de marier son fils aîné avec la fille de Didier, roi des Lombards ; elle voyait avec bonheur dans ce mariage la pacification générale, qui allait être son œuvre. La France, devenue sous Pépin ennemie des Lombards pour secourir le saint siége, restait investie du rôle supérieur de médiatrice. Le roi de France, patrice de Rome, devenant le gendre du roi lombard, était le gage d’une paix indissoluble entre la cour de Rome et celle de Pavie. D’un autre côté, Carloman, excité par les intrigues de Didier, aurait été ramené par lui à de meilleurs sentiments envers son frère. Telle était la perspective qui s’offrait aux espérances de Bertrade. Pour étouffer ces haines, pour préparer ces alliances, l’active et bienfaisante reine parcourut l’Alsace, la Bavière, l’Italie, négociant toujours et partout inspirant des sentiments iiacifiques. Le mariage de Charlemagne avec la fille du roi des Lombards fut célébré ; mais il fut d’une courte durée, car bientôt Charlemagne répudia sa femme pour épouser Hildegunde. La guerre s’alluma bientôt entre les Lombards et les Francs. Didier, enfermé dans Pavie, résista longtemps, mais la fidélité de ses sujets se lassa et la ville ouvrit ses portes à Charlemagne. Bertrade, qui avait vivement désiré l’alliance des Lombards, s’affligea de ces événements si contraires à sa politique ; elle vit avec douleur détruire son ouvrage et dissiper ses espérances. Ce fut le seul chagrin, dit Éginhard, que son fils lui donna pendant sa vie. Depuis cette époque, l’histoire ne parle plus guère de la reine Bertrade, elle ne mourut cependant qu’en 783, après avoir vu le commencement de cette ère de gloire et de grandeur qui devait immortaliser le nom de son fils. Éginhard raconte qu’elle passa sa vieillesse près de Charlemagne, mais, d’après d’autres sources, elle termina ses jours dans un cloître.

Le mystère qui entoure toute la vie de Bertrade ne se dissipe pas même quand on s’attache à découvrir ce qui advint d’elle après sa mort. On croyait au moyen âge (cette tradition est mentionnée dans la chronique de Saint-Bertin) qu’une comtesse de Flandre avait enlevé de Saint-Denis les froides dépouilles de la mère de Charlemagne ; mais cela était oublié quand, en 1648, le grand Condé vainquit les Espagnols à Lens. Au bulletin de la bataille succéda un autre bulletin relatif à la conquête de la ville d’Aire, où l’on conservait, y était-il dit, le corps de la reine Bertrade. Les Bollandistes, qui commençaient alors leur précieuse collection des Acta sanctorum, s’émurent de cette allégation. Ils provoquèrent une enquête ; on fit des fouilles, et l’on retrouva non-seulement les restes de la reine Bertrade, mais aussi ceux du premier roi franc de la dynastie carolingienne. On constata que Pépin le Bref avait été de petite stature : cinq piés et demi de long, plus n’en ot mie, comme dit Adenès, mais qu’il n’en était pas de même de sa femme, que les romanciers avaient nommée, à juste titre, Berthe au grand pied. On lut sur une lame de plomb que la translation de ses restes avait eu lieu au mois d’août 1255. Il convient d’ajouter qu’en 1264 les moines de Saint-Denis firent de leur côté ouvrir le tombeau de Bertrade, construit dans leur église, et qu’ils déposèrent les osse-