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démarches qui furent faites auprès de lui pour l’attirer dans ce parti ; seul avec le président Viglius, il se montra toujours opposé aux demandes des confédérés.

La plupart des historiens qui ont traité des troubles des Pays-Bas au xvie siècle, attribuent à une saillie du comte de Berlaymont l’origine du nom de Gueux, devenu si fameux dans les dissentions religieuses et politiques de cette époque. Il est difficile cependant de croire que ce propos ait été tenu, quand on réfléchit qu’il se serait appliqué à des seigneurs dont la naissance était autant et même plus illustre que celle du comte de Berlaymont. Il est à remarquer d’ailleurs que la régente, Marguerite d’Autriche, dans sa correspondance avec Philippe II, déclare ignorer l’origine et la signification du nom de Gueux que les seigneurs confédérés s’étaient donné. Viglius, Hopperus et d’autres personnages contemporains sont dans la même ignorance. Il y a donc lieu de croire que le propos attribué au comte de Berlaymont est encore un de ces mots inventés après coup, dont l’histoire fourmille. Le dévouement de Berlaymont au service du roi dut nécessairement lui attirer la haine des confédérés ; il savait qu’on lui en voulait, mais il n’était point accessible à la crainte :

« Jaçois que mes amis me mandent de tous costez, je me tiègne sur ma garde, » écrivait-il au roi, le 23 août 1566, « et que la feste se commencerat par moy, ne délaisseray partant jusques au bout, rendre le debvoir que fidèl vassal et très humble serviteur est obligez vers son roy et souverain seigneur, et me serat gloire, morir pour le service de Dieu et celuy de Vostre Majesté ; espérant lors qu’elle se souviendrat de beaucoup d’enffans que de lesseray avecq la mesme intention et volonté. »

Le comte de Berlaymont fut charge, en 1567, de la surintendance générale des vivres pour l’armée levée sur la frontière du Luxembourg ; il reçut de la régente la mission d’aller au-devant du duc d’Albe, lors de son arrivée aux Pays-Bas. Il fut désigné, de même que d’Arenberg et Noircarmes, comme suppléant du duc d’Albe, pour la présidence du conseil des troubles. Le duc d’Albe assura le roi que cette désignation avait été accueillie avec empressement par Berlaymont. Il est permis de douter de l’exactitude de cette assertion en présence de la lettre que le comte écrivit à Philippe II, le 20 septembre 1567 ; lettre dans laquelle il exprime non-seulement sa répugnance à prendre part au jugement des comtes d’Egmont et de Hornes, mais encore sa résolution d’y rester complètement étranger. Du reste il ne siégea dans le conseil des troubles qu’une seule fois, le jour de l’installation de cet odieux tribunal ; le reproche qu’on lui a fait de sa participation aux sentences iniques prononcées par ce conseil est donc tout au moins exagéré. D’après Strada, le grand commandeur Requesens, avant de mourir, avait désigné le comte de Berlaymont comme gouverneur des Pays-Bas ; mais le conseil d’État s’étant arrogé le gouvernement après la mort du gouverneur général, Berlaymont continua à exercer une grande autorité dans les affaires. On sait que le conseil d’État fut arrêté par les patriotes, le 4 septembre 1576. Le comte de Berlaymont, accusé d’espagnolisme, fut traité avec fort peu d’égards par les soldats du seigneur de Glymes, qui s’était chargé de l’exécution de cet audacieux coup de main ; il fut enfermé dans la Maison du Roi à Bruxelles, et ne fut rendu à la liberté que le 19 janvier 1577, grâce à l’intervention du prince d’Orange et aux pressantes sollicitations du baron de Hierges, son fils, qui réclama la liberté de son père en récompense des services que lui-même venait de rendre aux États.

Après sa mise en liberté, le comte de Berlaymont entra dans les conseils de don Juan d’Autriche qui venait d’arriver dans les Pays-Bas en qualité de gouverneur général ; il se trouva le seul Belge dans le conseil où siégeaient les seigneurs de Gonzague, d’Assonville, Jean-Baptiste Taxis et Del Rio, tous étrangers ; on lui a reproché de s’être attaché à don Juan qui, après quelques mois de gouvernement, se trouva en opposition avec les États. Mais il convient de ne pas perdre