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mis à personne, disait Georges-Louis, d’empiéter sur l’autorité souveraine, ni de s’attribuer les profits résultant de l’augmentation ou de la diminution des valeurs monétaires. Les marchands de Hasselt s’étant plaints d’être écrasés de tailles, tandis que les biens fonds n’avaient aucune charge à supporter, le prince termina le différend par une transaction équitable, qui satisfit à la fois les commerçants et les propriétaires. Mais la meilleure part de la sollicitude de Georges-Louis fut toujours réservée aux classes deshéritées. Il avait sans cesse présent à l’esprit ce conseil de Tobie : Si multùm tibi fuerit, abundanter tribue. Il ne se considérait que comme le receveur des pauvres, et sa main gauche ignorait les bienfaits de sa main droite. Sa charité toutefois était intelligente et exempte de faiblesse, et il n’était pas homme à se laisser intimider par les exigences d’une populace déchaînée. Il prêta un appui énergique aux magistrats dans les moments difficiles, par exemple en 1739, lorsque la cherté des grains fit éclater une sédition. Le prix du pain de quatre livres fut réduit de 17 à 13 liards, la cité se chargeant de payer le surplus. Néanmoins le quartier d’Outre-Meuse se souleva ; on eut même à déplorer des pillages. Mais des troupes descendirent de la citadelle, et leur attitude, la fermeté du mayeur Dejosé, enfin un mandement de l’évêque, autorisant les bourgeois à venir au secours des soldats, eurent bientôt rétabli l’ordre. Georges-Louis de Berghes possédait au plus haut degré les qualités de l’administrateur. « Il y a peu de matières, » dit M. Polain (Préface du Recueil des ordonnances de la principauté de Liége), « au sujet desquelles il n’ait publié des édits importants : le gouvernement politique et financier des communautés, le commerce, l’entretien des chaussées, la navigation des rivières, la conservation des bois, la chasse, le pâturage, les moissons et le glanage, la mendicité, l’art de guérir l’occupèrent tour à tour. » Il ordonna l’achèvement de la Réformation des statuts et des coutumes, commencée sous Joseph-Clément : d’habiles jurisconsultes, au nombre desquels était Louvrex, mirent la dernière main à ce recueil qui toutefois, on ne sait pour quel motif, resta inédit. Des modificatious furent aussi introduites dans les règlements sur la juridiction de l’Official ; mais la vive opposition du chapitre et des membres de cette cour, qui prétendaient étendre leur compétence aux contestations civiles (même entre laïcs), fit traîner l’affaire en longueur. En matière ecclésiastique, l’évêque prescrivit l’exécution sévère de la discipline établie par le concile de Trente, au sujet de la publication des bans de mariage dans l’église. Les dispenses étaient devenues la règle : il décréta qu’il serait publié au moins un ban. Le jansénisme avait compté de nombreux partisans à Liége, pendant assez longtemps, et suscité d’ardentes et interminables controverses : Georges-Louis exigea de son clergé l’obéissance à la bulle Unigenitus (Epistola pastoralis Rev. ac Ser. D. D. Georgii Ludovici Episc. etc. ad clerum populumque suum. Liége, Barnabe, 2 janvier 1725, in-4o). Le mandement publié à cette occasion, de même que les autres exhortations pastorales de notre prélat, est aussi remarquable par l’élévation de la pensée que par une onction vraiment apostolique. Georges-Louis ordonna expressément que les aspirants aux ordres sacrés allassent passer, avant leur examen, au moins trois mois au séminaire de Liége ou à celui de Louvain. D’autre part, il ne cessa de recommander aux prêtres le respect d’eux-mêmes : on peut citer en passant, comme peignant l’époque, l’ordonnance par laquelle il leur interdit d’entrer dans les cabarets, si ce n’est en voyage. Il enjoignit aussi aux curés de prêcher et de catéchiser tous les dimanches et les jours fériés, les menaçant des censures ecclésiastiques s’ils manquaient trois fois de suite à ce devoir. Attentif aux plus petits détails, Georges-Louis n’était jamais pris au dépourvu en présence des grandes questions. Il sut gouverner son peuple, le faire respecter au dehors, surtout le rendre heureux : cette gloire en vaut bien une autre.

Sous cet excellent prince, dont la mé-