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forme fut sauvée : le droit de présenter plusieurs candidats fut reconnu au chapitre ; l’empereur et l’évêque, agissant de concert, devaient ensuite faire un choix entre lesdits candidats. En 1563, l’initiative de la désignation du successeur de Robert n’en fut pas moins prise par ce dernier prince, sans que les chanoines y missent sérieusement obstacle.

À peine installé sur son siége (16 juin 1538), Corneille de Berghes convoqua les états : 1o  pour licencier la plupart des gens de guerre enrôlés sous Erard de la Marck (Charles-Quint et François Ier semblaient disposés à déposer les armes) ; 2o  pour réparer et relever les forteresses ruinées ; 3o  pour courir sus aux hérétiques. Le premier point fut accordé ; la discussion du second, ajournée ; quant au troisième, tous les officiers et baillis du pays reçurent l’ordre de poursuivre rigoureusement les luthériens et surtout les anabaptistes, qui commençaient à se répandre à Hasselt et dans les environs.

Neuf de ces sectaires montèrent sur le bûcher ; dix femmes furent noyées. L’annaliste Mélart rapporte sans sourciller que Jean Romershoven, l’un des condamnés, au moment où l’exécuteur venait de l’attacher au poteau, fut étranglé par le diable, qui lui avait promis de ne pas le laisser mourir par la main des hommes. Corneille publia ultérieurement plusieurs édits contre les dissidents ; en 1542, il nomma un inquisiteur spécial pour Louvain et les autres localités du Brabant appartenant à son diocèse. Ce fut sous son règne, en 1543, que les jésuites parurent pour la première fois dans la principauté.

Charles d’Egmont, duc de Gueldre, ayant manifesté l’intention d’assurer sa succession au roi de France, les Gueldrois craignirent pour leur indépendance et proclamèrent Guillaume, duc de Clèves et de Juliers, protecteur de leur pays (1538). D’Egmont étant mort peu de temps après, Marie de Hongrie pressa Charles-Quint d’élever des prétentions sur la Gueldre ; en même temps elle négocia avec Guillaume, lui déclara ouvertement qu’elle le considérait comme un usurpateur, et le somma « de renoncer à une entreprise qui lui aliénerait l’empereur. » Le duc de Clèves offrit de traiter directement avec Charles-Quint ; mais, alarmé de l’attitude de ce dernier, il se jeta à son tour dans les bras de la France, ce qui ne pouvait manquer d’allumer une guerre désastreuse. Du reste, dès le moment où il avait accédé aux vœux des Gueldrois, Guillaume s’était ménagé secrètement des intelligences dans les Pays-Bas ; il comptait également à Liége un certain nombre de partisans, qui rêvaient un changement de gouvernement au profit du parti populaire. Une conspiration fut découverte en cette ville (1539) : ceux des conjurés qui échappèrent au dernier supplice se réfugièrent à Juliers, où leur présence entretint les craintes de Corneille de Berghes. L’évêque de Liége, en effet, se voyait sérieusement menacé : le bruit se répandit que le roi de France, le sachant inféodé à l’empereur, méditait une invasion sur son territoire. Toute espérance de paix venait de s’évanouir. Deux ambassadeurs français avaient été mis à mort par les ordres du gouverneur de Milan, et Charles-Quint ne se pressait pas de donner réparation de cet attentat. Les dispositions de François Ier à l’égard de Liége étaient si peu douteuses, qu’il venait de faire arrêter et retenir à Lyon, comme otage, le coadjuteur Georges d’Autriche, en route pour se rendre à son poste. Corneille voulut montrer, dit Mélart, « qu’il avait du sang aux ongles. » Il fit relever les murailles de la cité ; les Rivageois, qui y travaillèrent activement, recouvrèrent à cette occasion leurs priviléges. Il publia de sévères ordonnances de police, arma toute la principauté et réserva cinq régiments pour la défense de la capitale, qu’il divisa en autant de quartiers. Il n’y avait pas de temps à perdre : la guerre éclatait de toutes parts ; Guillaume de Clèves, lié par un traité au roi de France, était sur le point de marcher sur Maestricht et probablement ne s’arrêterait pas là. Cependant, il essaya d’entrer en pourparlers avec l’évêque. Celui-ci, en somme, aurait consenti à une convention garantissant sa neutralité ; mais Marie de Hongrie, ayant eu vent de ses démarches, envova à Liége le