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du royaume, il fréquenta d’abord la cour de Dagobert I, qui aimait à réunir autour de lui les fils des principales familles, afin de les faire former, sous ses yeux, à l’étude des lettres et à la vie militaire, et de les attacher ainsi par des liens étroits à sa dynastie. Adalbaud se distingua par de brillantes qualités, sut se faire aimer de ses frères d’armes et des nobles du palais, et inspira au roi lui-même une grande confiance en sa bravoure et en sa fidélité. En 635 ou 636, il fit partie d’une expédition militaire que Dagobert I envoyait, sous la conduite du référendaire Chadoin, contre les Gascons, peuple belliqueux et insoumis qui s’était soulevé en faveur des enfants de Charobert II. Vers cette époque, Adalbaud connut, dans les environs de Toulouse, l’illustre famille du seigneur Ernold, dont il demanda et obtint la fille Rictrude en mariage. Saint Amand, après l’injuste exil auquel Dagobert l’avait condamné, s’était retiré dans cette contrée, et l’on croit qu’il consacra l’union d’Adalbaud et de Rictrude. Tous deux le regardaient comme leur guide, leur père spirituel, et la famille de Rictrude, l’une des plus puissantes de la Gascogne, portait un vif intérêt à l’illustre exilé, qui avait opéré un grand bien dans ce pays par ses prédications. Ce mariage avait reçu l’approbation de tous les parents de Rictrude, à l’exception de ceux qui voyaient avec dépit l’alliance d’une princesse de leur sang avec un Franc d’Austrasie. L’antagonisme des races du Midi et du Nord était encore très-vif à cette époque : les guerres si longues et si meurtrières qu’eurent à soutenir dans la suite les successeurs de Dagobert le témoignent suffisamment. Adalbaud lui-même devait devenir un jour la victime de cette farouche animosité et de cette aveugle antipathie.

De retour dans ses domaines d’Ostrevant, avec son épouse, il continua de donner l’exemple des vertus que l’on avait admirées en lui dès son adolescence. Souvent il recevait dans sa demeure les missionnaires qui allaient annoncer partout la bonne nouvelle de l’Évangile. Saint Amand, rappelé de son exil, et saint Riquier étaient particulièrement liés avec sa famille, qui recourait avec bonheur à leurs conseils. Les enfants que le ciel avait accordés à ces pieux époux marchèrent sur leurs traces dans la voie du bien. Tous, au nombre de quatre, sont honorés d’un culte public ; l’aîné, saint Mauront, fut abbé de Breuil ; la bienheureuse Clotsinde devint abbesse de Marchiennes ; sainte Eusébie ou Ysoir gouverna le monastère de Hamage, où la bienheureuse Adalsinde, sa sœur, était religieuse.

Un jour Adalbaud fut obligé d’entreprendre un voyage en Aquitaine[1], pour des causes que les anciens historiens de sa famille n’indiquent point. À son départ, Rictrude ne put s’arracher de ses bras et eut le cœur rempli de tristes pressentiments qui ne devaient que trop tôt se réaliser. En effet, Adalbaud arrivé dans les environs de Périgueux, fut attaqué à l’improviste par des hommes de la famille même de Rictrude qui brûlaient d’assouvir leur haine invétérée. L’infortuné seigneur succomba sous leurs coups, dans les vastes solitudes du Périgord, vers l’an 645, et alla recevoir dans le ciel la récompense de sa piété et de ses bonnes œuvres. La nouvelle de cet assassinat arriva promptement aux oreilles de Rictrude. Sa douleur fut profonde ; mais, résignée à la volonté de Dieu, elle s’efforça de calmer par la prière l’amertume de sa tristesse et de consoler ses enfants. Elle fit rendre les honneurs funèbres à son époux et obtint, peu après, que sa dépouille mortelle lui fût rendue. Des miracles opérés auprès de ces vénérables reliques déterminèrent le culte qu’on rendit à Adalbaud presque aussitôt après sa mort, et dans les contrées d’où il était originaire, et dans le Périgord où il fut assassiné.

On lui donne ordinairement le titre de martyr, soit parce que, à cette époque, on désignait sous ce nom les personnes

  1. Proprement la Gascogne. Hucbald en parle en ces termes : A pago Austrobantinense, ubi etiam pluribus locupletabatur (Adalbardus) possessionibus, eundi Vasconiam nimium triste iter arripit.