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à douze mille gens d’armes et qui devait se porter dans la Hesbaye et le Brabant, pour escorter les vivres que les bourgeois de Liége, de Bruxelles, et surtout de Louvain, tous favorables aux insurgés de Gand, tenaient en réserve pour secourir la ville. L’heureux commandant amena plus de six cents voitures de farine et de froment ; et, diplomate intelligent autant que brave général, il obtint, chemin faisant, de la duchesse de Brabant, une promesse d’intervention près de son beau-frère. Mais le comte ne voulait accorder la paix qu’à des conditions telles qu’aucun homme d’honneur ne pouvait y souscrire. Il en fut cruellement puni peu après par la honteuse défaite de son armée, à Beverholt, et par la prise de Bruges, qui en fut la suite. Ackerman rendit encore d’éminents services à cette occasion, et peu s’en fallut que Louis de Male lui-même ne tombât entre ses mains. Bien que, à l’exception de Termonde et d’Audenarde, la Flandre entière se fût soumise à la commune de Gand, il était facile de prévoir que tôt ou tard, si elle était abandonnée à elle-même, les forces de l’insurrection seraient écrasées par celles du roi de France, qui marchait au secours du comte et de son gendre, le duc de Bourgogne. Ackerman se mit donc volontiers à la tête d’une ambassade pour demander des secours à Richard II, roi d’Angleterre. Cette démarche réussit, et un traité d’alliance était déjà conclu quand on apprit la mort de Philippe van Artevelde, à la funeste journée de Roosebeke, et la restauration de l’autorité du comte dans tout le pays, la ville de Gand seule exceptée. Là même, un grand nombre de bourgeois pensaient qu’il fallait demander la paix, en obtenant du prince des conditions moins dures. Ce n’était pas l’opinion d’Ackerman et du doyen Pierre Vanden Bossche, qui ne jugeaient pas le moment favorable pour négocier et qui comptaient encore sur l’alliance anglaise ; et comme ils conservaient tout leur ascendant sur la multitude, le parti de la résistance l’emporta. Ackerman, appelé à la succession de Philippe van Artevelde, se hâta de prouver que les ressources de la commune étaient loin d’être épuisées. Malgré une défense opiniâtre de la garnison française, il prit d’assaut la place forte d’Ardenbourg, la saccagea entièrement et fit conduire à Gand un butin immense. Moins heureux devant Bruges, que la noblesse défendit avec succès, il prit sa revanche à la bataille de Dunkerque, où ses forces réunies à celles des Anglais firent essuyer une grande défaite à l’armée des princes. Peu après, il se rendit encore maître, par stratagème, de l’importante ville d’Audenarde, si souvent funeste aux Gantois.

Ces succès, mêlés de revers, semblaient devoir perpétuer la guerre civile, quand le comte Louis de Male, cause première de tant de malheurs, mourut à Saint-Bertin, poignardé, dit-on, par le duc de Berry, le 9 janvier 1384 (n. s.). Cette mort enlevait un principal obstacle à la paix, qu’on espérait d’autant plus qu’une trêve venait de se conclure. Mais les hostilités recommencèrent par le fait du seigneur d’Escornaix, qui surprit Audenarde, dont la garnison était affaiblie et moins sur ses gardes par suite même de l’armistice. Ackerman, profondément irrité de cet affront, prit une vengeance éclatante. Ayant appris que le gouverneur de Damme et ses principaux officiers s’étaient rendus à Bruges, le chef gantois marcha précipitamment sur la première de ces villes et s’en empara de nuit par escalade. Il y trouva sept dames de haut rang, venues pour rendre visite à l’épouse du commandant absent ; le vainqueur les invita à un festin somptueux, et les voyant encore en proie à la crainte : « Je fais la guerre aux hommes, leur dit-il, mais jamais aux femmes, et bien que vos chevaliers aient indignement traité les nôtres, j’aurai autant d’égards pour vous que si vous étiez mes propres filles. » Il tint parole, et par ce procédé, si rare alors, il se fit beaucoup d’amis dans la noblesse. Cependant la prise d’une ville aussi importante que Damme avait porté le trouble dans le camp ennemi, et Ackerman, qui s’y était enfermé avec quinze cents hommes d’élite, se vit bientôt assiégé par une armée de cent mille hommes commandés par Charles VI. Pendant six semaines, les attaques se multiplièrent