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l’on conserva longtemps le souvenir de ses brillantes études. A vingt ans, en 1540, il vint à Paris et y vécut sous le toit du célèbre jurisconsulte Charles Du Moulin. Après une courte apparition dans sa famille, en 1542, et une très-problématique visite à la cour de Bruxelles, il retourna à Paris et y publia ses commentaires sur Justinien dont quelques exemplaires portent : Louvain, sur le titre comme lieu d’impression. C’est à ce moment-là que lui arriva une fâcheuse affaire : Il avait conversé à Arras avec un grand hérétique auquel on fit un procès et que l’on brûla vif. Il fut ajourné comme complice, et, n’ayant pas comparu devant les inquisiteurs de Tournai, puni, par contumace, d’un bannissement perpétuel avec confiscation de ses biens. Cette sentence fit du bruit ; elle poussa Baudouin à courir le monde. A Strasbourg, il se lia avec Bucer, et il alla à Genève, où son abjuration lui valut toute la confiance de Calvin, dont il devait si étrangement abuser dans la suite. Pendant plus de dix ans, de 1546 à 1557, il parcourut la Suisse, l’Allemagne la France, allant ici à la messe et là au prêche, suivant les circonstances ; mais, disons-le aussi, étudiant, professant avec éclat et écrivant sans cesse les plus beaux traités du monde sur des questions de jurisprudence ou de théologie. Le chanoine Paquot donne une liste de ses ouvrages qui ne compte pas moins de trente-cinq numéros, et elle n’est pas complète. Nous ne la compléterons point dans le cours de cette notice. Nous croyons obéir davantage à l’esprit dans lequel a été conçue la Biographie Nationale, en étudiant de près quelques faits de la vie de notre savant qui touchent à notre histoire et qui n’ont pas été soumis jusqu’ici à une discussion suffisante. La sentence portée contre lui l’empêchait de revoir sa patrie. Elle fut révoquée au bout de vingt ans, le 27 mai 1563, à la demande de Maximilien de Berghes, archevêque de Cambrai et de quelques autres amis de Baudouin. Des conditions très-dures accompagnaient ce pardon ; il les accepta cependant, et s’en vint à Louvain au mois de juillet pour y abjurer, de bouche, ses erreurs et se rétracter par écrit. La publicité donnée à cet événement porta une si grande atteinte à sa réputation, qu’il nous est impossible de voir en lui le confident du prince d’Orange et le secrétaire de la révolution. Nos meilleurs historiens disent cependant qu’il rédigea le fameux Discours au roy de 1565, et quelques-uns d’entre eux vont jusqu’à lui attribuer la non moins fameuse requête des Nobles, présentée l’année suivante, au mois d’avril, à la duchesse de Parme. Voici, selon nous, ce qui peut avoir conduit à cette double erreur. Étant professeur de droit à l’Université de Douai, en 1564, il fut appelé à Bruxelles par le prince d’Orange qui se préoccupait fort, dans ce moment-là, de trouver un moyen de rapprocher les catholiques et les protestants. Notre jurisconsulte, devenu circonspect, crut devoir accepter l’entrevue, mais il demanda, à ce qu’il paraît, qu’elle eût lieu sous les ombrages discrets de la forêt de Soignes qui s’étendait alors jusqu’aux portes de Bruxelles. Le prince d’Orange y consentit sans peine. Baudouin développa à cette occasion les arguments qu’il avait présentés deux ans auparavant au roi de Navarre, également toumenté du désir d’en venir à une paix religieuse ; le prince d’Orange les approuva à son tour, et la conséquence en fut la publication clandestine d’un Commentaire sur le faict de la réformation de l’Église. Ce livre, qui fit sensation, porte la date de 1564. Le gouvernement espagnol le jugea dangereux, puisque nous rencontrons une ordonnance du 28 mai 1565 qui en défend le colportage et la lecture sous des peines sévères. Nous nous sommes assuré que le nom de Baudouin ne fut point prononcé dans cette affaire ; il ne le fut pas davantage à l’occasion du Discours au roy de 1565. C’eût été pis qu’un traité en faveur de la tolérance ; ce n’est plus, en effet, une œuvre de morale, mais bel et bien un traité de polémique religieuse, flagellant sans pitié les pères du concile de Trente et mettant sans façon l’Évangile au-dessus du pape. Baudouin, tel que nous le connaissons,