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une armée ennemie de trente mille hommes déboucha de cette contrée, à la voix du sultan de Bagdad, et traversa toute la Syrie orientale jusqu’à l’extrémité méridionale du lac de Tibériade, où elle resta campée durant trois mois entiers, pour dévaster tout le pays d’alentour. A la première apparition des musulmans, Baudouin s’était dirigé vers Ptolémaïs avec tout ce qu’il avait pu rassembler de forces. Se voyant à la tête de sept cents lances et de quatre mille fantassins, il avait marché résolument à l’ennemi, et lui avait offert la bataille dans le voisinage du mont Thabor. Mais sa témérité lui fut fatale. Au premier choc, quinze cents de ses hommes de pied et trente deux chevaliers tombèrent. Après une courte résistance, les autres furent mis dans une déroute si complète que le roi, entraîné par eux, laissa sa bannière et tout son camp au pouvoir du vainqueur. Ce désastre eut lieu le 30 juin. Trois jours après, Roger d’Antioche, le comte de Tripoli et Baudouin d’Édesse avec ses vassaux rejoignirent les débris de l’armée latine. Dès ce moment, le roi pouvait disposer de seize mille combattants, et il se trouvait en position de reprendre l’offensive. Mais il ne réussit point à faire accepter le combat aux ennemis qui, évitant toute rencontre, se bornèrent à dévaster le pays et à se retirer pas à pas.

Comme Baudouin, après la défaite qu’il venait d’essuyer, s’était jeté dans Ptolémaïs avec les restes de ses forces, il reçut dans cette ville un message qui lui annonça la prochaine arrivée de la veuve de Roger de Sicile, la duchesse Adélaïde, fille de Boniface de Montferrat, dont il se proposait de faire sa troisième femme. Car il avait répudié, en 1105, sa deuxième épouse, la fille du prince arménien Tafroc, parce qu’il suspectait sa vertu depuis que, en se rendant par mer d’Antioche à Jaffa, elle avait été poussée par une tempête dans une île occupée par les Sarrasins. La reine elle-même s’était retirée volontairement dans le couvent de Sainte-Anne, à Jérusalem, et y avait pris le voile. Mais un jour, sous prétexte de rendre visite à quelques parents et d’aller recueillir des dons pieux pour son monastère, elle était partie pour Constantinople avec le consentement du roi. Arrivée dans cette capitale, elle n’avait eu rien de plus pressé que de dépouiller sa robe de religieuse pour se livrer à toute sorte de débordements, justifiant ainsi les soupçons dont elle avait été l’objet. Dès ce moment Baudouin avait recherché la main d’une princesse qui fût une compagne digne de lui et qui lui apportât de quoi réparer son trésor épuisé par tant d’entreprises dispendieuses. D’après les conseils d’Arnulf, élevé en 1112 à la dignité de patriarche, il laissa tomber son choix sur la veuve de Roger, duc de Sicile, et celle-ci consentit à le prendre pour époux à condition que, si leur union restait stérile, le fils qu’elle avait eu de son premier mari succéderait au roi sur le trône de Jérusalem. Dans le courant du mois d’août, on vit cingler vers le port de Ptolémaïs un navire qui portait la duchesse. Il était protégé par deux galères à trois rangs de rames et accompagné de sept bâtiments chargés d’or, d’argent, de pierres précieuses, de vêtements de pourpre, d’armes magnifiques et de provisions de toute espèce. On raconte que le mât du vaisseau où se trouvait Adélaïde était couvert de plaques d’or fin. A la nouvelle de l’arrivée de sa riche fiancée, le roi envoya au-devant d’elle trois galères conduites par des marins expérimentés. Cependant, peu s’en fallut qu’elles ne fussent elles-mêmes capturées par les Turcs. En effet, poussées par une tempête du côté d’Ascalon, elles ne parvinrent qu’après un combat opiniâtre à échapper à la chasse que leur donnèrent plusieurs navires ascalonites. Heureusement la mer s’apaisa, et la brillante escadre de la duchesse entra dans le port de Ptolémaïs, où le roi l’attendait accompagné de tous ses barons et entouré d’un luxe dont l’appareil n’avait pas encore été vu dans le nouvel État latin. Les solennités du mariage accomplies, le couple royal prit la route de Jaffa et de là celle de Jérusalem.

Depuis cette époque, et pendant les années qui s’écoulèrent jusqu’à la fin du règne de Baudouin, on ne vit plus le sultan d’Égypte lancer, comme il avait