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rent d’instructions à leurs généraux ni leurs gouverneurs : si quelquefois ils le firent, ce fut dans des cas tout à fait particuliers et pour des entreprises qu’ils avaient préparées de longue main[1]. »

En quittant les Pays-Bas, Spinola avait gardé le généralat de l’armée navale de Flandre. Au mois de mars 1630, le roi commit le marquis d’Aytona pour le suppléer dans ce poste pendant son absence[2], et, à la mort de l’illustre guerrier, survenue quelques mois après, il lui conféra la charge devenue vacante[3]. À cette marque de sa confiance il ajouta une grâce spéciale : dans une cédule signée de sa main, il promit à Aytona d’honorer sa maison de la grandesse le même jour qu’il l’accorderait à d’autres[4]. Ce jour n’arriva pas du vivant du marquis : la promesse de Philippe IV eut son effet en 1640 seulement[5].

Cependant les armes espagnoles essuyèrent, en 1632, un nouvel et grave échec : le marquis de Santa Cruz, que, l’année précédente, le roi avait appelé à commander ses troupes dans les Pays-Bas, ne put empêcher le prince d’Orange Frédéric-Henri de prendre Maestricht (22 août), après que la trahison du comte Henri de Bergh (voir ce nom) lui eut ouvert les portes de Ruremonde et de Venlo. La clameur fut universelle contre l’impéritie du général espagnol, qui sollicita lui-même sa démission. Philippe IV nomma à sa place le marquis d’Aytona, en lui conservant son caractère d’ambassadeur[6] ; mais le marquis dut renoncer à la charge de capitaine général de l’armée navale de Flandre, dans laquelle il avait rendu de notables services, car, en moins d’un an, la flotte hispano-flamande avait pris plus de quatre cents bâtiments aux Hollandais, sans en perdre un seul[7].

Aytona avait d’abord témoigné de la répugnance à être employé dans les opérations de la guerre : « Je supplie Votre Excellence, mandait-il au comte-duc, de considérer que je ne suis soldat que dans l’àme, par le désir et par quelques connaissances théoriques que m’ont fait acquérir mes voyages et mes études ; que, pour commencer ce métier, j’ai déjà quarante-trois ans, et que la faute de tout mauvais succès que j’aurais retomberait sur Votre Excellence, parce que tout le monde sait que je suis sa créature et que je dépends d’elle….. La fortune est variable, et les événements de la guerre sont sujets à des interprétations diverses : alors même que je me conduirais très-bien, si les résultats n’étaient pas brillants, on l’imputerait non pas à moi, mais à Votre Excellence, qui m’aurait choisi[8]. » Plus tard, il changea de manière de voir : il demanda d’être adjoint au marquis de Santa Cruz, se trouvant mortifié, ainsi l’écrivit-il, « d’être occupé de rapports et d’écritures dans le temps que d’autres avaient l’épée à la main[9] ; » et ayant été invité par le comte-duc à lui désigner ceux qu’on pourrait placer à la tête de l’armée qui se rassemblait dans le Palatinat, il lui offrit ses services au cas que don Gonzalo de Cordova ou quelque autre général expérimenté n’acceptât pas ce poste[10]. La nouvelle situation à la-

  1. ….. Los Romanos, señor, como V. E. save, nunca dieron instruccion à sus generales y governadores ; y si alguna vez la dieron, fué en casos muy premeditados y particulares….. (Lettre du 18 janvier 1631.)
  2. Lettre d’Aytona au roi, du 7 mars 1630.
  3. Lettre de l’infante Isabelle à Philippe IV, du 19 février 1631. (Archives du royaume.) — Lettre d’Aytona au comte-duc, du 18 février.
  4. Lettre d’Aytona au comte-duc, du 19 février 1631.
  5. D. Antonio Ramos, pp. 26 et 47.
  6. Dépêche du 2 novembre 1632 à l’infante Isabelle. (Archives du royaume.)
  7. …..Después que Su Magd me mandó que cuydasse de esta armada, se han tomado mas de quatro cientos bajeles al enemigo sin haver perdido ni uno solo della….. (Lettre d’Aytona au comte-duc, du 18 février 1631.)
  8. ….. Suplico à V. E. considere que yo no soy soldado, sino en el ánimo y dessos y con alguna teorica que mis peregrinaciones y ocupaciones me han dado, y que para comenzar esta profesion tengo ya quarenta y tres años, y que de qualquiera mal suceso que huviere han de hechar á V. E. la culpa, porque todos me conocen por hechura de V. E. y dependiente suyo….. Los sucessos de la guerra son varios y sujetos á varias interpretaciones ; y aunque me govierne muy bien, como los effectos no sean muy lucidos, hecharán la culpa, no á mí, sino á V. E. que me escogió….. (Lettre du 24 juillet 1630.)
  9. ….. Confieso á V. E. que siento mucho hallarme en Flandes embuelto en consultas y papeles en tiempo que otros exércitan la espada….. (Lettre du 15 mai 1631 au comte-duc.)
  10. Lettre du 17 décembre 1631.