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les mêmes pouvoirs à Mons et à Valenciennes.

Albert, dont les premiers efforts auraient dû tendre à amener une fusion entre les Hameçons et les Cabeliaux, s’attacha, au contraire, à raviver la haine de ces partis. Il profita de ce qu’on lui avait signalé Bloemsten, gouverneur de Kennemaar, comme s’étant le plus opposé à son élection et comme un des plus chauds partisans du choix de Mathilde, femme du comte Guillaume, en qualité de régente, pour le destituer et le remplacer par Brederode, un des chefs des Hameçons. Les Cabeliaux, irrités de cet acte arbitraire, attaquèrent Brederode, qui se rendait à Kennemaar pour prendre possession de sa charge, et tuèrent trois personnes de sa suite. Le régent fit poursuivre les assassins et arrêta partout les Cabeliaux. De tous les points de la Hollande se rassemblèrent bientôt, à Delft, les partisans de l’opinion persécutée. Il assiégea cette ville pendant six semaines, mais, craignant une insurrection générale de la Hollande, il en leva le siége et pardonna aux révoltés. Il comprit alors qu’il était prudent d’user de sagesse et de modération, et travailla de tout son pouvoir à faire oublier les fautes et les violences des deux factions.

Ce prince ne jouit pas d’un long repos. Renaud et Édouard, fils du dernier duc de Gueldre, se disputaient l’héritage de leur père. Après une bataille où l’armée de Renaud avait été défaite, Édouard fit jeter celui-ci en prison et proscrivit ses partisans. Quelques seigneurs restés fidèles à Renaud s’étant retirés en Hollande, Édouard se crut des raisons suffisantes pour déclarer la guerre à Albert, mais, au jour fixé pour la bataille, il ne parut pas, et Albert se mit à piller quelques places du duché. Peu de temps après, un traité de paix fut conclu entre eux, et Édouard épousa la fille du régent, Catherine de Hainaut (1362).

Vers cette époque, Albert donna de nouvelles preuves de son caractère entier et violent dans la ténébreuse affaire de Sohier, sire d’Enghien. Ce seigneur s’étant rendu à l’invitation que lui avait faite le duc de passer quelques jours au château de Bézieux, près de Valenciennes, fut enlevé et transporté au château du Quesnoy. Les motifs de cette arrestation sont restés un mystère. Le sire d’Enghien en appela au jugement de ses pairs du Hainaut. Ceux-ci, jaloux de faire reconnaître leurs droits par le régent, lui envoyèrent le seigneur de Ligne, ex-grand bailli, pour le prier de ne rien précipiter ; mais le duc, loin d’écouter leurs réclamations, fit trancher la tête au prisonnier et s’empara de la ville et du château d’Enghien.

Cet acte de cruauté eut, pour le régent, de terribles conséquences ; les frères de la victime, pour venger sa mort, excitèrent le comte de Flandre, chez lequel le jeune seigneur d’Enghien s’était réfugié, à porter ses armes contre Albert. Louis de Male entra dans le Hainaut, et son armée y commit d’épouvantables ravages. Albert n’avait pas de troupes sous les armes : impatient de ne point voir arriver celles qu’il avait demandées en Hollande et en Bavière, il voulut recruter une armée dans le Hainaut. Les populations de ce comté lui envoyèrent des milices bourgeoises pour résister à l’invasion, mais elles refusèrent l’argent que le duc avait cru devoir se procurer au moyen de tailles et de gabelles. Ces milices, auxquelles se joignirent bientôt les Bavarois et les Hollandais, ne purent cependant tenir contre les forces du comte de Flandre, et l’armée d’Albert fut mise en déroute. Il se sauva, non sans peine, à Mons. Les Flamands l’y poursuivirent, et ils allaient livrer un assaut général à la place, lorsque le régent leur fit proposer la paix. Cette paix fut conclue à Bruxelles le jour de Pâques 1366, sous la médiation du duc de Brabant Wenceslas et de Jeanne, son épouse.

Albert en profita pour établir des relations plus étroites avec le roi de France Charles V, et celui-ci, désirant s’allier à un prince dont il pouvait attendre des secours efficaces dans sa guerre contre l’Angleterre, donna la main de sa fille Marguerite à Guillaume d’Ostrevant, fils aîné d’Albert. Cette jeune princesse mourut après quelques mois de mariage.

Le duc régent prit une part active, comme négociateur, dans les troubles qui