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par des prières et des supplications, de fléchir Wauthier, s’adressa au saint Père, qui lui permit de citer le bourgmestre ; mais aucun agent n’osant signifier l’exploit, l’affaire en resta là. Cependant cette tyrannie, ces abus de pouvoir devaient trouver un châtiment. Mille bruits sinistres commencèrent à courir et que les chroniqueurs du temps ont probablement exagérés. On lui reprochait de vendre la justice et les franchises, d’altérer à son gré les anciennes paix et d’appliquer des amendes et des peines qui n’étaient pas spécifiées dans les statuts. On en vint même au point de prétendre qu’il donnait asile, dans un de ses châteaux, à une bande de malfaiteurs dont il partageait les rapines. L’orage éclata en l’anné 1431. Un obscur bourgeois parvint à faire succomber cet homme qui venait de triompher si orgueilleusement du premier corps de l’État. Un membre de la puissante corporation des forgerons avait été condamné par le maïeur à une amende qui excédait celle fixée par la loi ; celui-ci assembla ses compagnons et gagna les autres métiers à sa cause, à l’exception de celui des houillers auquel Wauthier était affilié. Ils se présentèrent au tribunal des échevins et demandèrent record sur le fait qui avait motivé la condamnation. Les juges embarrassés, soit qu’ils craignissent de déplaire au redoutable maïeur, soit qu’ils regardassent la demande comme non fondée, s’efforcèrent de traîner les choses en longueur. Les métiers, usant alors envers les échevins du même moyen dont s’était servi quelque temps auparavant Wauthier à l’égard du chapitre, prirent la résolution de ne rien leur vendre ni livrer jusqu’à ce qu’ils eussent donné record. Les échevins ayant persisté dans leur refus, le peuple les déclara aubains avec le maïeur et les chassa de la cité. Wauthier se retira au village de Montegnée. Il est à remarquer que le peuple ou les métiers n’avaient aucun droit de rendre un pareil décret de bannissement, ni les échevins de donner un pareil record.

Après la seconde guerre si désastreuse que les Liégeois soutinrent contre les Bourguignons et qui finit par le traité de Malines, du 15 décembre 1431, les partisans de Wauthier parvinrent à nommer bourgmestres Jean Barlé et Guillaume d’Athin, le cousin de Wauthier. Des menées secrètes ayant alors eu lieu pour le rappel du grand démagogue, il y eut dans la nuit des Rois, du 5 au 6 janvier 1433, une prise d’armes terrible dans les rues de Liége entre les partisans des d’Athin et leurs adversaires que représentaient surtout les métiers ; les d’Athinistes essuyèrent une défaite complète, et une sentence des échevins du 2 avril de la même année, bannit à perpétuité les deux d’Athin et cinquante-deux de leurs complices et confisqua leurs biens.

L’empereur Sigismond, cédant au vœu du peuple, confirma, le 14 juillet 1437, ce que la loi ne lui permettait ni de confirmer ni de réformer : le jugement de condamnation.

En 1456, Wauthier adressa une supplique à l’évêque de Liége pour réclamer ses biens confisqués et le droit d’en jouir et disposer selon droit et justice. Dans cette occurrence au moins, le célèbre demagogue nous paraît avoir eu raison. Les lois liégeoises ne permettaient d’appliquer la peine de la confiscation qu’à ceux qui étaient condamnés pour crime de lèze-majesté. Or, cette lutte sanglante entre les deux partis à laquelle le souverain était resté étranger, ne pouvait pas être qualifiée de crime de l’espèce.

Wauthier mourut l’année suivante à Louvain, dans un hôtel qui lui appartenait et qui était situé derrière l’Hotel du Sauvaige homme. Son tombeau se trouve en l’église de Saint-Pierre de cette ville, derrière le chœur. Il était noble et portait écartelé d’argent à un chevron de gueules, et d’argent à un lion de gueules.

Par son testament du 10 août 1456, qui est très-étendu, il dispose de ses grandes richesses, tant en faveur de sa femme, de ses enfants, cousins et amis, qu’en faveur de plusieurs églises et corporations religieuses de Louvain. Comme trait de mœurs du temps et du testateur, nous ferons remarquer que Wauthier y fait de grands legs à son fils naturel, à la mère de celui-ci et à l’enfant naturel de son fils légitime Jean.