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vention de l’autorité pontificale. Les bulles arrachées par Philippe le Bel au pape Clément V, sur lesquelles reposait ce droit si excessif, furent restituées, et ce fut alors qu’Artevelde, rentrant à Gand, les fit lacérer publiquement par les échevins. Artevelde jouissait en ce moment d’une grande influence sur l’esprit d’Édouard III, qui, selon Froissart, le nommait « son compère ; » il lui prêtait des sommes considérables et allait jusqu’à lui dire que si les revenus de l’Angleterre lui faisaient défaut, la Flandre y suppléerait aisément. La prospérité intérieure du pays semblait justifier ce langage. Le canal de la Lieve, amélioré par d’utiles travaux, facilitait le mouvement commercial, et une monnaie de bon aloi rendait aux transactions une sécurité que depuis longtemps on ne connaissait plus. Cependant une nouvelle tentative de Louis de Male pour rallier les Leliaerts fut suivie de près par un violent demêlé qui éclata à Gand entre Jacques d’Artevelde et un bourgeois nommé Jean de Steenbeke. Le sang allait couler quand Artevelde, donnant un mémorable exemple du respect des lois, alla se constituer prisonnier en même temps que son adversaire. Artevelde ne tarda pas à recouvrer la liberté, mais Jean de Steenbeke fut condamné à un exil de cinquante années. Il semble toutefois que, depuis ce moment, l’influence d’Artevelde se soit affaiblie et que la prospérité de la commune ait partagé la même décadence. Des rivalités industrielles rendaient oppressive l’autorité que les grandes villes exerçaient sur les bourgs où florissaient les mêmes métiers. Au sein même des cités, de funestes discordes éclataient entre les corporations, et l’on voyait se propager ces passions et ces haines par lesquelles l’anarchie, tôt ou tard, étouffe la liberté. Une émeute qui eut lieu le lundi 2 mai 1345 (den quaden maendag) et où périrent beaucoup de tisserands et de foulons, marqua cette période de désorganisation. Nous ne savons pas exactement dans quelles circonstances on établit une nouvelle division de la commune en trois classes : les bourgeois, les tisserands et les petits métiers ; mais il n’est pas sans intérêt de faire observer qu’Artevelde quittale métier des tisserands, qui était celui de sa famille, pour se faire inscrire dans le métier des brasseurs et pour devenir le premier doyen des petits métiers. Le moment était venu où le comte de Flandre pouvait espérer de rallier ses partisans avec des chances de succès. Soutenu par le duc de Brabant, déjà maître de Termonde, il menaçait Alost et Audenarde, et envoyait chaque jour des messages aux bonnes villes pour les exhorter à se séparer d’Édouard III. Le roi d’Angleterre se préparait à conduire une expédition en Normandie quand il apprit ce qui se passait en Flandre, et, changeant aussitôt de projet, il arriva inopinément à l’Écluse. Jacques d’Artevelde s’y rendit auprès de lui et l’engagea à se montrer à Gand. Soit méfiance, soit hâte de retourner en Angleterre, Édouard III n’accepta pas cette invitation ; mais, loin de proposer aux députés des communes de Flandre de remplacer leur comte par un duc, qui aurait été son propre fils, il scella, à l’Écluse, le 19 juillet 1345, une charte par laquelle il s’engageait à laisser intacts les droits du comte et de ses héritiers, espérant que tôt ou tard ils le reconnaîtraient comme suzerain et se bornant à pourvoir jusqu’à ce moment à une délégation provisoire de l’autorité.

En effet, vers la même époque, un rewaert fut choisi pour diriger le gouvernement du pays jusqu’à ce que le but de la convention de l’Écluse eût été atteint. Ce rewaert était un fils de Sohier de Courtray. Quoi qu’il en soit, de vagues rumeurs se répandirent. On rapportait qu’Artevelde avait promis de livrer à un prince anglais l’héritage de Robert de Jérusalem et de Baudouin de Constantinople ; d’autres ajoutent qu’il ramenait avec lui de l’Écluse des archers anglais avides de pillage. Aussi, lorsqu’il rentra à Gand, aux acclamations qui le saluaient autrefois succédèrent des murmures sinistres, et le même soir son hôtel du Calander-Berg fut entouré de vagabonds, d’ouvriers sans travail, de tisserands mécontents guidés par leur doyen Gérard Denys. Celui-ci porta la parole. Il somma Artevelde de rendre compte du grand