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mis dans une assemblée générale tenue à Westminster, où l’on promit de faire droit à leurs plaintes ; les autres reçurent, à Paris, l’assurance que Philippe de Valois protégerait toujours les libertés de la ville de Gand. Cependant on ne tarda pas à apprendre que le roi de France réunissait ses hommes d’armes à Tournay pour surprendre les Gantois, et que le comte de Flandre, s’associant à ses projets, venait de faire décapiter, à Rupelmonde, Sohier de Courtray, le plus illustre et le plus vénéré des chevaliers de Flandre, dont Artevelde, selon une version vraisemblable, avait épousé la fille. Les efforts des Français furent déjoués, et les Gantois victorieux se portèrent vers Bruges, où ils forcèrent le comte à adhérer à la fédération des trois grandes communes de Flandre, Gand, Bruges et Ypres, que représenterait une assemblée permanente d’états : ce qu’on nomma depuis les trois membres de Flandre. Dès ce moment, sous l’influence des conseils de Jacques d’Artevelde, les réunions des députés des communes devinrent fréquentes. Non-seulement la paix fut rétablie dans tout le pays, mais l’on vit, à peu de jours d’intervalle, l’Angleterre et la France conclure avec la Flandre des traités qui consacraient sa neutralité en favorisant l’extension de ses relations commerciales. Les prétentions d’Édouard III au trône de France ne troublèrent pas cette heureuse situation, mais lorsque le comte Louis de Male réunit les Leliaerts à Dixmude, Artevelde se vit réduit à convoquer les milices nationales, et ce fut grâce à ces armements que la Flandre se trouva délivrée du péril d’une autre invasion par laquelle les Français seraient venus en aide aux Leliaerts. Telles furent les circonstances au milieu desquelles Artevelde résolut de reconnaître comme roi de France le roi d’Angleterre Édouard III, qui en prit le titre à Gand le 23 janvier 1340. Trois traités importants furent conclus peu après. Par le premier, Édouard III établit en Flandre l’étape des laines, promit de s’y rendre lui-même avec ses hommes d’armes, si jamais elle était exposée à quelque danger, et autorisa dans tous ses États la libre circulation des draps de Flandre. Le second assure la sécurité du commerce maritime ; le troisième renferme l’engagement de réunir à la Flandre l’Artois, Tournay, Lille, Béthune et Orchies, de maintenir les priviléges qui remontent à la journée de Courtray, de ne jamais y introduire ni tailles, ni tonlieux et de frapper une bonne monnaie, qui aura également cours en France, en Angleterre et en Flandre. Évidemment ces clauses si remarquables avaient été dictées par Artevelde. On retrouve la même pensée dans le traité qui fut conclu, vers cette époque, entre les communes de Flandre, de Brabant et de Hainaut. On y déclare que la liberté et la paix forment la base de l’union des communes qui ne se soutiennent que par leur travail et leur industrie, et qu’il importe de prévenir désormais toute discussion et toute guerre. Pour atteindre ce but, une étroite alliance est conclue entre les trois pays ; aucune guerre ne sera entreprise si ce n’est de leur assentiment ; il y aura liberté de commerce, monnaie commune, justice prompte, prohibition sévère des querelles et des haines privées. Enfin, trois fois chaque année, les princes et les députés des bonnes villes se réuniront en parlement pour veiller au développement de la prospérité publique. La guerre entreprise par Édouard III ne lui permit pas d’accomplir la promesse qu’il avait faite d’étendre les frontières de la Flandre jusqu’à Arras. Artevelde, qui, à Valenciennes, venait d’exposer, avec une éloquence louée par Froissart, les droits du monarque anglais, lui avait amené une armée nombreuse où l’on remarquait des canons, arme alors toute nouvelle ; mais ce fut en vain qu’on forma le siége de Tournay. Artevelde, qui occupait la position la plus périlleuse, y prit une part honorable, et lorsqu’on conclut la trêve d’Esplechin, il fut en quelque sorte médiateur entre les rois de France et d’Angleterre. Ceci explique comment on imposa au comte la défense de conduire avec lui en Flandre des chevaliers Leliaerts et comment Philippe de Valois lui-même s’engagea à renoncer à la prétention des rois de France de faire excommunier les rebelles de Flandre sans l’inter-