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duché en héritage de Charles de Croy (voir ce nom). Il s’était marié trois fois : la première, avec Hippolyte-Anne de Melun, fille de Pierre de Melun, prince d’Épinoy, et d’Hippolyte de Montmorency-Bours ; la deuxième avec Claire-Isabelle de Berlaymont, fille de Florent, comte de Berlaymont et de Marguerite de Lalaing ; la troisième avec Marie-Cléophée de Hohenzollern, veuve de Jean-Jacques, comte de Bronckhorst et d’Anhalt, fille de Charles, prince de Hohenzollern, duc de Sigmaringen, et d’Élisabeth de Culembourg. Il laissa des enfants de ces trois lits.

Gachard.

ARENBERG (Le P. Charles D’), biographe, né à Bruxelles, en 1593, décédé dans la même ville, le 5 juin 1669. Fils de Charles, duc de Croy, seigneur d’Arschot et d’Arenberg, favorisé de tous les avantages de la naissance, de la richesse et de l’intelligence, il renonça au monde, où il portait le titre de comte de Seneghem, et prit, à Louvain, le 4 mars 1616, l’humble habit de capucin. Selon l’usage reçu dans tous les ordres religieux, il abandonna alors son prénom d’Antoine, qu’on lui avait donné au baptême, et le remplaça par celui de Charles[1].

Élevé à la prêtrise et devenu l’un des membres les plus zélés de l’ordre, le P. d’Arenberg, oubliant la grande existence qui lui était destinée, se voua, avec autant d’abnégation que d’ardeur, à la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Il consacra à l’étude tous les instants qui n’étaient pas absorbés par les devoirs de la vie religieuse, et acquit bientôt une connaissance approfondie de la théologie et des saintes Écritures. Sa science, sa charité, sa prudence dans les circonstances difficiles résultant des troubles de l’époque, sa vie modeste et vraiment apostolique, lui valurent l’estime et la confiance de ses confrères. Ils le chargèrent successivement des fonctions de gardien, de provincial, de définiteur et de commissaire général de leur institut dans les Pays-Bas. Albert et Isabelle, qui l’honoraient d’une amitié constante, lui offrirent un siége épiscopal, et le pape Innocent X se montra disposé à y ajouter la pourpre romaine ; mais toutes les instances furent inutiles pour le faire sortir de l’humble condition où il s’était volontairement placé.

A des connaissances théologiques très-étendues, le P. d’Arenberg joignait une éloquence peu commune. Il en donna une preuve éclatante en 1624. Isabelle étant devenue, en 1622, à la suite du décès de l’archiduc Albert, gouvernante générale des Pays-Bas pour le roi Philippe IV, avait fait instituer, dans la chapelle de la cour, une retraite annuelle de quarante heures, pour appeler les bénédictions du ciel sur les provinces restées fidèles. Cette retraite s’ouvrit le dimanche des Rameaux 1623, et un capucin italien, Hyacinthe de Casali, l’inaugura par un discours espagnol surchargé de citations latines. Attendant probablement plus d’effet de ses gestes que de sa parole, ce prêtre fougueux se fustigea rudement à toutes les pauses, et, arrivé à la péroraison, il s’enfonça sur la tête une couronne d’épines, avec tant de violence que sa figure fut aussitôt inondée de sang[2]. Les Espagnols attachés à la cour furent profondément émus ; mais tous les Belges présents au sermon manifestèrent une désapprobation tellement vive que l’infante se crut obligée de remplacer, l’année suivante, le prédicateur italien par le P. d’Arenberg. Celui-ci s’acquitta de sa

  1. Les biographes ne sont pas d’accord sur les dates que nous avons citées. Goethals (Lectures, etc., t. I, p. 166) dit que le P. d’Arenberg naquit vers 1593 ; tandis que, dans la même notice, il rapporte que ce religieux entra au noviciat, en 1616, a vingt-deux ans, et qu’il mourut en 1669, à l’âge de soixante-quinze ans, deux dates qui fixent sa naissance à 1594. Foppens (Bibl. belg., t. I, p. 149), lui donne vingt-trois ans en 1616, et soixante-seize ans en 1669, ce qui reporte sa naissance à 1593. Jean de Saint-Antoine (Bibl. franc. univ.), qui, par erreur, place le décès du P. d’Arenberg au 25 août 1669, se trompe de nouveau en affirmant qu’il mourut au couvent de son ordre à Anvers.
  2. Le sermon avait été précédé d’une procession qui avait considérablement déplu à la population de Bruxelles. Tous les seigneurs de la cour, affublés du capuchon du tiers ordre de Saint-François, avaient accompagne le cortége, en demandant l’aumône pour les pauvres et les prisonniers. De toutes les maisons religieuses de la capitale, les carmes et les bogards s’étaient seuls présentés pour y assister. Malgré l’invitation formelle de l’infante, tous les autres ordres s’y étaient refusés.