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Les états s’ouvrirent le 9 septembre 1632, à Bruxelles. Le duc d’Arschot y siégea comme député et premier membre de la noblesse de Brabant. Son influence dans cette assemblée n’eut d’égale que celle de l’archevêque de Malines ; il fut l’un de ceux que les états élurent pour aller négocier la paix ou une trêve avec les Provinces-Unies (3 octobre). Commencées à Maestricht, ces négociations se poursuivirent à la Haye. Le duc d’Arschot, qui était venu une première fois à Bruxelles (25 novembre), pour faire changer la commission des députés belges, y revint le 31 décembre avec l’archevêque de Malines et deux autres de leurs collègues, afin de rendre compte, tant aux états généraux qu’à l’infante, de la marche des négociations, et de demander des instructions sur plusieurs points importants. Après les avoir obtenues, les députés repartirent pour la Haye le 27 janvier 1633.

Ici se place un incident qui fit quelque bruit en ce temps-là : nous voulons parler de la querelle du duc d’Arschot avec Rubens. Dans leur séance du 4 janvier, les états généraux avaient résolu de demander à l’infante copie des instructions données par elle à Rubens et à d’autres personnes qu’elle avait chargées, à différentes reprises, de faire en Hollande des ouvertures directes ou indirectes d’accommodement. Rubens, à qui l’infante en fit part, lui exprima le désir de porter lui-même aux députés des états, à la Haye, les papiers qui étaient en son pouvoir ; elle y consentit, en lui permettant d’écrire au prince d’Orange pour un passe-port. Quoique, dans sa lettre à Frédéric-Henri (13 janvier), Rubens l’eût prié de lui garder le secret, la chose parvint à la connaissance des députés belges demeurés à la Haye, qui en informèrent le duc d’Arschot : le duc, à son tour, s’empressa de communiquer l’avis qu’ils venaient de lui transmettre aux états généraux (24 janvier). Cette assemblée s’en émut ; elle s’imagina que Rubens avait la prétention d’intervenir dans les négociations commencées entre ses députés et ceux des Provinces-Unies, et que peut-être même, à côté de ces négociations, le gouvernement voulait en ouvrir qui passassent par d’autres mains. Il ne s’agissait pourtant de rien de semblable, et l’infante en donna l’assurance aux évêques d’Ypres et de Namur et au baron d’Hoboken que les états lui députèrent pour lui adresser des représensations à ce sujet. Le duc d’Arschot cependant, blessé du mystère que Rubens lui avait fait de ses démarches, en témoigna beaucoup de mauvaise humeur. Rubens comprit, après cet éclat, qu’il serait dans une fausse position à la Haye ; il renonça à s’y rendre. Ce fut dans ces circonstances, et lors du passage par Anvers des commissaires belges retournant en Hollande, qu’il écrivit au duc la lettre qu’on connaît, et que le duc lui fit la réponse qui a été également publiée. On a reproché à ce dernier l’arrogance et la morgue[1] qu’il montra envers le grand artiste : nous ne voudrions pas l’en absoudre ; toutefois il faut tenir compte de l’esprit et des mœurs du temps. Le duc d’Arschot ayant envoyé copie des deux lettres aux états généraux, ils résolurent de les mettre sous les yeux de l’infante, en lui remontrant « que cette forme de procéder de Rubens leur était désagréable » (1er février).

A la Haye les conférences furent reprises le 5 février. La négociation fut laborieuse, et le duc d’Arschot dut, plusieurs fois encore, faire le voyage de Bruxelles, pour instruire ses commettants de ce qui se passait. On était parvenu à s’entendre sur quelques points principaux, lorsque les plénipotentiaires hollandais s’avisèrent d’exiger que les commissaires belges produisissent des lettres du roi d’Espagne portant renouvellement de la procuration qu’il avait donnée à l’infante, en 1629, pour traiter en son nom, ou bien confirmation de la substitution faite de leurs personnes par

  1. « …J’eusse bien peu obmettre de vous faire l’honneur de vous respondre, pour avoir si notablement manqué à vostre debvoir de venir me trouver en personne, sans faire le confident a m’escrire ce billet, qui est bon pour personnes égales… Tout ce que je puis vous dire, c’est que je seray bien aise que vous appreniez dorénavant comme doivent escrire à des gens de ma sorte ceux de la vostre… »