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d’Utrecht, si le duc d’Albe ne lui eût représenté qu’une charge de cette importance exigeait plus d’âge et d’expérience que le comte n’en avait. Charles d’Arenberg passa cette année-là en Espagne sur la flotte qui y conduisit la reine Anne d’Autriche, quatrième épouse de Philippe II. Pendant le séjour qu’il fit à Madrid, il fut de nouveau question, pour lui, d’un gouvernement de province ; on parlait aussi du poste de capitaine des archers de la garde royale, qui était vacant depuis la mort du comte de Hornes : le roi, qui semblait disposé à le nommer à l’un ou à l’autre de ces emplois, remit sa décision à un autre temps, mais il lui fit ressentir les effets de sa libéralité, et il le chargea d’aller complimenter Charles IX à l’occasion de la naissance de la fille qu’Élisabeth d’Autriche venait de lui donner (27 octobre). Hopperus, qui nous fournit ces détails, nous dépeint ainsi Charles d’Arenberg à cette époque de sa vie : « Il a un caractère très-facile et est plein de candeur ; mais, comme le gouverneur qu’il a eu n’était pas assez sévère, il parle un peu trop librement. Il est, du reste, averti de ce défaut, et » j’espère qu’il s’en gardera à l’avenir.[1]  » L’ambassadeur de France à Madrid, le seigneur de Saint-Goard, écrivait, de son côté, à Catherine de Médicis : « Le comte d’Aremberghe a envie de se porter en sa charge au contantement de V. M….. Il est jeune et peu advisé aux affaires : mais, s’il est ung peu manié, je panse qu’il dira ce qu’il sçaura. ……[2] » Après avoir quitté la cour de France, Charles d’Arenberg revint aux Pays-Bas, où don Luis de Requesens, grand commandeur de Castille, ne tarda pas à arriver pour remplacer le duc d’Albe. Ce seigneur lui confia la mission de notifier sa prise de possession du gouvernement à l’Empereur, à l’Impératrice, aux princes de la maison impériale, aux ducs de Bavière, de Lorraine, de Wurtemberg, aux archevêques de Cologne, de Trèves et de Mayence (décembre 1573).

Du vivant de Jean de Ligne, des pourparlers avaient eu lieu pour le mariage de son fils avec la fille du comte de Vaudemont, de la maison de Lorraine, et la duchesse de Parme avait sollicité le roi, à cette occasion, d’ériger en principauté la baronnie de Zevenberghe, dont le comte d’Arenberg avait hérité en 1557, par le décès de sa mère, ou de le gratifier d’une principauté dans le royaume de Naples. Ce projet d’alliance ayant été abandonné, la demande faite au roi n’eut pas de suite. En 1576, l’empèreur Maximilien II, par un diplôme du 5 mars, érigea en principauté de l’Empire le comté d’Arenberg, avec tous les honneurs, toutes les prérogatives attachés à cette dignité ; le 11 octobre de la même année, à la diète de Ratisbonne, le collège des princes décida que les princes-comtes d’Arenberg auraient dans son sein séance et suffrage immédiatement après les princes de la maison de Vaudemont.

Pendant les troubles dont les Pays-Bas devinrent le théâtre après la mort de Requesens, Charles d’Arenberg tâcha de se tenir à l’écart ; il se retira à Mirwart, appartenant à sa mère, dans le duché de Luxembourg. Cependant, lorsque don Juan d’Autriche vint aux Pays-Bas (6 décembre 1576), il put d’autant moins se dispenser de lui rendre visite, que la ville de Luxembourg, où le frère du roi était entré, est à une petite distance de Mirwart. Don Juan lui fit un accueil distingué, et, sur sa proposition, Charles d’Arenberg consentit à aller de nouveau en ambassade vers l’Empereur et les princes de l’Empire. Marguerite de la Marck en fut à peine informée qu’elle essaya d’empêcher les effets de l’engagement pris par son fils : le conseil d’État avait requis celui-ci, par plusieurs lettres, de se transporter à Bruxelles ; la même réquisition lui avait été adressée, à titre de ses devoirs féodaux, par la chancellerie de Brabant. Marguerite de la Marck pria don Juan de considérer s’il

  1. Est facillimus moribus et pectore plane candido ; sed quia gubernatorem non habuit satis asperum, effudit se paulo solutius. Cœterum mato edoctus, in posterum, ut spero, cavebit… (Lettre du 28 novembre 1572 à Viglius, dans Joach. Hopperi Epistolæ ad Viglium, p. 368.)
  2. Lettre du 22 novembre 1572 (Bibliothèque impériale à Paris, Ms. Harlay, 2282, pièce XC)