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Duchesne, qui devait sa nomination au marquis de Prié et qui, plus tard, accepta du roi de France, conquérant des Pays-Bas autrichiens, le poste de chancelier de Brabant. Servile pour le pouvoir légitime comme il le fut dans sa vieillesse pour l’étranger victorieux, le jeune conseiller déploya un zèle qui lui valut les éloges du marquis. Le conseiller d’État Hubert de Tombeur fut chargé de veiller à l’accélération des procédures, et le bourgmestre de Decker-Walhorn, qui était profondément détesté de ses concitoyens, accepta la triste mission de recueillir et de transmettre toutes les informations de nature à aggraver la situation des doyens.

Le marquis ne se contenta pas de stimuler l’ardeur de Charliers et de Duchesne ; il agit ouvertement et avec énergie sur les membres du conseil, afin de leur arracher une sentence aussi sévère que possible. Les trois plus anciens conseillers penchaient pour l’indulgence. De Prié, après les avoir signalés à la cour de Vienne, les fit venir en son hôtel pour leur déclarer ce qu’il attendait d’eux. Dans son impatience de faire tomber des têtes, il consulta le conseil d’État pour savoir s’il ne connaissait pas quelque expédient pour abréger les procédures, question que le conseil trouva assez étrange. De Prié aurait désiré qu’on fît appliquer à la torture les doyens, et surtout Anneessens, afin de les obliger à déclarer ceux qui avaient fomenté les troubles : il croyait ou feignait de croire qu’il y avait eu conspiration ; mais le conseil refusa fermement de se prêter à ces caprices de despote. Moins humain pour les hommes du peuple, il fit mettre à la question six malheureux pillards, à qui le bourreau ne put arracher un mot de nature à compromettre les doyens. Ceux-ci se seraient probablement montrés aussi fermes dans les tourments, et l’odieuse mesure réclamée par le ministre, si elle avait été accueillie, n’aurait probablement servi qu’à attiser la haine dont il était l’objet et à accroître le stigmate de honte qui s’est attaché à son nom.

Dès lors de Prié put prévoir l’exécration dont il devait être l’objet. Chacun s’occupait du sort des doyens ; un grand nombre de hauts personnages souhaitaient leur délivrance, des moines du haut de la chaire réclamèrent en leur faveur ; les états de Brabant s’intéressèrent à leur sort. Dans le magistrat de Bruxelles, plusieurs échevins s’entendirent et présentèrent au chancelier une requête qu’ils ne craignirent pas de signer. Mais plus l’opinion publique manifestait ses sympathies, plus le marquis se montrait impatient et haineux.

Anneessens avait été marié trois fois. Il épousa successivement : le 18 février 1681, Jeanne-Marie Eydelet, qui mourut le 18 février 1686 ; le 8 mars 1687, Florence Gilson, qui décéda le 7 décembre 1702, et, le 17 novembre 1703, Françoise Govaerts. Sa première femme lui donna un fils, Égide, qui se maria le 15 juillet 1713, à Anne-Françoise Bernaerts, et une fille, Anne-Marie, qui devint la femme de l’ardoisier Bulincx. Il eut de Florence Gilson quatre enfants : l’architecte Jean-André Anneessens, dont nous parlerons ci-après ; Nicolas-Joseph, qui s’allia, le 24 février 1718, à Marie-Florence Gilles ; Marie-Anne et Ange-Albert. Sa troisième union resta stérile.

La famille du doyen partageait les idées de son chef et son attachement aux priviléges de la commune. À en juger par la déposition du syndic Willems, sa dernière femme et ses filles regardaient avec le dernier mépris ceux des chefs des métiers qui avaient cédé aux injonctions ou aux obsessions des membres du gouvernement. L’architecte Anneessens demanda en vain l’élargissement de son père sous caution. Il était loin de se douter de l’acharnement avec lequel le marquis de Prié poursuivait sa victime et des manœuvres de toute espèce qui étaient employées pour pousser le conseil de Brabant dans les voies de la rigueur. Françoise Govaerts ne put même obtenir du tribunal qu’on laissât raser le prisonnier, et celui-ci dut marcher à la mort sans avoir la consolation de dire aux siens un suprême adieu.

Dès le 14 juin, Charliers présenta au conseil de Brabant un second acte d’accusation, beaucoup plus détaillé que celui qui avait précédé le décret de prise