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che du principal foyer de la conspiration.

En attendant que les légions se fussent installées et retranchées aux endroits désignés, César se retira à Samarobriva (Amiens). Il comptait prendre le chemin de l’Italie, aussitôt qu’on lui aurait transmis l’avis de l’installation définitive de ses troupes. Il ne tarda pas à recevoir d’étranges nouvelles.

Jeune, bouillant, mais sachant dissimuler ses desseins, Ambiorix était venu recevoir à la frontière les quinze cohortes qui se rendaient à Atuatuca. Avec tous les dehors d’une amitié sincère, il avait abondamment pourvu le camp de vivres et de fourrage. Sabinus et Cotta étaient arrivés à leur destination, en se félicitant hautement de l’excellent accueil de la nation éburonne. Cette bienveillance envers les Romains leur avait paru toute naturelle, parce que César avait rendu à Ambiorix plus d’un service, acceptés par celui-ci avec toutes les apparences d’une reconnaissance inaltérable. Le général romain lui avait renvoyé son fils et son neveu, détenus comme otages chez les Aduatiques, et il avait affranchi les Éburons d’un tribut qu’ils payaient à cette nation rivale. On fut bientôt détrompé.

Nous commencerons par rapporter succinctement les faits tels qu’ils sont exposés par César dans ses Commentaires.

Les Romains étaient installés à Aduatuca[1] depuis quinze jours, lorsqu’Ambiorix et Cativulcus, à la tête d’une armée réunie en secret, tombèrent brusquement sur les soldats que Sabinus et Cotta avaient envoyés à quelque distance, pour faire des fascines et recueillir du combustible. Ils les massacrèrent et, immédiatement après, ils s’élancèrent à l’assaut du camp, où ils rencontrèrent une résistance à laquelle ils étaient loin de s’attendre. Malgré leur confiance dans l’amitié des Éburons, les commandants romains, fidèles aux traditions militaires de leurs pays, avaient placé une garde nombreuse aux portes. En un clin d’œil, le rempart fut garni de soldats qui, luttant de ce poste élevé contre des adversaires mal armés, firent subir à ceux-ci des pertes considérables. Une sortie vigoureusement exécutée par des cavaliers espagnols dégagea complétement les abords du camp.

Bientôt quelques Éburons reviennent sans armes et demandent qu’on leur envoie des députés pour terminer les différends à l’amiable. Les Romains chargent de cette tâche deux officiers, dont l’un Quintus Junius, Espagnol d’origine, avait déjà rempli près d’Ambiorix plusieurs missions de la part de César. Ambiorix s’avance à leur rencontre, sous les yeux de la garnison pressée sur le rempart, et leur dit : « Je dois beaucoup à César pour les bienfaits que j’en ai reçus. C’est par son intervention que j’ai été délivré du tribut que je payais aux Aduatiques, mes voisins. Je lui dois également la liberté de mon fils et du fils de mon frère, lesquels, envoyés comme otages aux Aduatiques, avaient été retenus dans la captivité et dans les fers. Aussi n’est-ce ni de mon avis, ni par ma volonté qu’on est venu assiéger le camp des Romains : la multitude m’y a contraint ; telle est, en effet, la nature de mon autorité que la multitude n’a pas moins de pouvoir sur moi que moi sur elle. Au reste, mon pays ne s’est porté à cette guerre que dans l’impuissance de résister au courant de la conjuration gauloise. Ma faiblesse le prouve suffisamment, car je ne suis pas si dénué d’expérience que je me croie capable de vaincre le peuple romain avec mes seules forces. Il s’agit d’un projet commun à toute la Gaule. Ce même jour est fixé pour attaquer à la fois tous les quartiers de César, afin qu’une légion ne puisse venir au secours d’une autre légion. Il était bien difficile à des Gaulois de refuser leur concours à d’autres Gaulois, surtout dans une entreprise où il s’agit de recouvrer la liberté commune. Après avoir rempli mes devoirs envers ma patrie, j’ai maintenant à remplir envers César ceux de la reconnaissance. Je vous avertis, je vous supplie, au nom de l’hospitalité, de pourvoir à votre salut, à celui de vos soldats. De nombreuses troupes de Germains ont passé le Rhin ; elles arriveront dans deux jours. C’est à vous, Romains, à décider, si vous ne voulez pas, avant que les peuples voisins puis-

  1. ERRATA ET RECTIFICATIONS DU Ier VOLUME : au lieu de : Aduatuca, lisez : Atuatuca.