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que que le poëte nous dépeint dans son œuvre brillante : l’Orient et l’Europe ne forment plus qu’un État ; les guerriers de l’Orient parcourent les plaines de la Lombardie, assistent aux tournois et prennent part aux guerres de l’Europe, tandis que les chevaliers de l’Occident aident les Grecs dans la lutte qu’ils sont obligés de soutenir contre les Sarrasins pour défendre les frontières de l’Empire. Le fond du poëme est l’enlèvement de Marguerite de Limbourg, qui, en butte aux plus grands dangers, est transportée à Athènes. Son frère accourt pour la délivrer et, après des événements aussi inattendus qu’extraordinaires, Marguerite épouse Échites, le jeune duc d’Athènes, qui devient roi de l’Arménie ; le frère de Marguerite obtient la main de l’héritière de l’empire grec et monte avec elle sur le trône de Constantin. Ce vaste cadre, subdivisé en différents tableaux, contient des épisodes attrayants et si bien développés, qu’on les prendrait pour des poëmes complets ; mais le mérite en est encore rehaussé par des détails pleins d’intérêt, et la place qu’ils occupent dans le cercle d’aventures qui se succèdent, forment autant de scènes subordonnées à l’action principale. Dans cette composition, les traditions grecques se mêlent aux traditions germaniques, et souvent les idées mythologiques nationales s’y reproduisent avec des dénominations classiques. Ainsi la déesse Holda apparaît, au troisième livre, sous le nom de Vénus, le trois Nornes sous celui de Sirènes (Meerminnen, v. IV, chant 1299). Le forgeron Wielant n’est pas inconnu, ni l’épée Mimminc et le héros Wedech. Les Amazones ont, en général, le caractère et tous les traits donnés aux Valkyries. De même que l’Edda, où la fin du monde est représentée par un grand combat entre les puissances de la nature, personnifiées en autant de divinités, de même les grands poëmes nationaux finissent par une immence bataille, d’où sort une ère nouvelle. Ainsi, dans le Niebelungen-Lied, nous voyons périr tous les héros bourguignons et huns, le seul Thierri de Vérone survit et devient la souche d’une nouvelle dynastie. Les poëmes du Ravennaslach et de Roncevaux se terminent de la même manière.

Henri van Aken commença ce travail en l’an 1280 et le finit en 1317, d’après les vers insérés à la fin du douzième livre, et rétablis par M. Jonckbloet de la manière suivante :

Nu es Heinric die dit maecte,
Ende so hi best conste gheraecte,
Sicre pinen af, so es hi blide ;
Die hi begonste in dien tide
Dat men screef ons Heren jaer
.XIIIe dat es waer,
.XX. men, ende was ghekent,
Alse men den daet gescreven vent,
Van der geborten ons Heren,
Die Maria drouch met eren,
.XIII hondert jaer ende .XVII.

La Société littéraire de Leide chargea M. Th. Vanden Berg de la publication de ce poëme. Ce savant s’acquitta de cette tâche d’une manière digne d’éloges ; l’orthographe et la ponctuation ont été revues avec soin, et le vocabulaire des mots anciens, qui est très-correct, prouve l’étude approfondie que l’éditeur a faite de notre langue nationale du moyen âge. Il donna pour titre à cet ouvrage :

Roman van Heinric en Margriete van Limborch, gedicht van Heinric. Leide, 1846-1847, 2 vol. xlvi et 370 et 358 pp.

Ce poëme eut, dès son apparition, une grande vogue. Il fut traduit en langue allemande vers la fin du xve siècle, par Jean van Soest, à la demande du comte palatin Philippe le Sincère (der Aufrichtige). Au xvie siècle, on le reproduisit en prose et il fut diverses fois réimprimé, notamment à Anvers en 1516, à Bruxelles en 1604, à Amsterdam en 1739 et en 1798, et à Nimègue en 1773. Au commencement de ce siècle, il parut, à Gand, une romance en cinquante-trois couplets, dont le sujet est pris dans les premiers livres du poëme. Cette chanson est intitulée : Margrietjen van Limburg.

L’idée d’une nationalité belge compacte commença, dès le temps de Van Aken, à éclore parmi les habitants des contrées qui constituèrent, sous la maison de Bourgogne, les dix-sept provinces des Pays-Bas. Au second chant, on voit s’organiser, à la voix du duc de Limbourg, pour punir la trahison de la ville de Trèves, la même confédération que l’empereur Othon IV avait réunie, un siècle plus tôt, sous le