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ses goûts pour l’étude, on exigeait d’elle des occupations opposées à ses penchants ; aussi, si à grand’peine on toléra chez elle le culte des beaux-arts, s’opposa-t-on par tous les moyens possibles à la laisser devenir une femme instruite, car aux yeux de cette nouvelle famille une femme instruite était une anomalie. Une foule d’entraves furent donc jetées sur sa route, et la volonté impérative d’un despote ignorant vint s’opposer à ses progrès. Privée de ressources pour augmenter ses connaissances intellectuelles, Mlle Desperrières dut appeler à son aide cette force d’âme qui triomphe de tout, et escomptant, pour ainsi dire, les heures du sommeil, on la voyait dans les hivers les plus rudes, enveloppée d’une couverture, venir s’asseoir contre sa fenêtre, et passer ainsi à lire les nuits que la lune éclairait de ses pâles reflets. Heureusement les bons livres ne lui manquaient pas ; une amie de sa mère lui avait fait cadeau de la bibliothèque d’un vieil oncle dont elle avait hérité, et ce que cette femme élégante et riche appelait des bouquins, devint entre les mains de Mme Désormery une mine inépuisable et le seul trésor de l’orpheline.

Mlle Desperrières avait une mémoire prodigieuse : à douze ans elle savait par cœur près de douze mille vers, qu’elle avait puisés dans nos plus grands poëtes. Racine surtout faisait ses délices. Ce fut une ressource pour elle que cette faculté mémorative, et lorsque, plus tard, usant à son égard d’une excessive rigueur, on vint à lui enlever ses livres, elle se consolait des devoirs pénibles que lui imposait la volonté de ses parents, en évoquant sa mémoire et rendant présents à son souvenir les plus beaux morceaux de notre littérature.

Froissée dans sa vocation, à dix-huit ans, la perte d’une fortune qui l’aurait rendue indépendante, vint augmenter la mélancolie qui déjà altérait sa santé. Dès cet instant,