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Le comte de Saint-Simon était un homme doué de beaucoup d’esprit et d’un cœur excellent, mais dont la tête était fort exaltée. Il paraîtrait même, si nous sommes bien instruits, que cette exaltation augmenta à mesure que les débris de sa fortune se dissipèrent. Ce fut à partir de cette époque que, délivré des biens de ce monde, il se regarda comme envoyé ici bas pour reformer la société sur de nouvelles bases morales et politiques.

On sait de reste quelles furent l’origine, les viscissitudes et la fin de la secte bizarre, qui s’autorisa de quelques écrits obscurs et du nom de Saint-Simon pour essayer de changer les deux appuis déjà société moderne, le droit de propriété et l’institution du mariage. Aussi ne parlera-t-on que de ce qui se rattache au sujet que nous traitons. Lors donc que le comte de Saint-Simon eut perdu tout ce qu’il possédait, et qu’il se crut certain d’avoir reçu la mission de régénérer le monde, il écrivit un jour à sa femme : « Que, malgré la tendresse et l’estime que lui inspiraient sa personne et son caractère, les pensées étroites et vulgaires dans lesquelles elle avait été élevée, et qui la dominaient encore, ne lui permettaient pas de s’élancer avec lui au-dessus de toutes les lignes connues ; qu’il était donc obligé de demander le divorce ; le premier homme de ce monde ne devant avoir pour épouse que la première femme. »

Il paraîtrait que cette inconcevable lettre fut écrite au moment où le comte de Saint-Simon nourrissait une espérance plus inconcevable encore, car il fit vers le même temps, un voyage à Coppet, avec l’idée de se remarier avec madame de Staël, dès qu’il aurait recouvré la liberté.

Le divorce fut prononcé, non toutefois sans que le comte de Saint-Simon ne donnât encore à sa femme une preuve très bizarre de l’espèce d’attachement qu’il lui