Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/469

Cette page n’a pas encore été corrigée

à faire et à enorgueillir dans le réduit le plus caché ; elle tombe sur la victime, comme le vautour sur la colombe ; elle va trouver l’homme le plus inconnu, et aussitôt elle l’entoure d’une auréole toute-puissante qui le fait recon¬ naître et louer dans la foule. La réputation littéraire, c’est la fortune, c’est la puissance, c’est le crédit ; ce sont les flatteurs le matin, à midi et le soir. George Sand fut donc saisi tout d’un coup, et emporté tout d’un coup, dans ce tourbillon des admirations, des flatteries, des médisances, des calomnies et des séductions parisiennes. 11 fut la grande énigme, la grande occupation, la grande autorité de huit jours. On le cherchait en tous lieux, à toutes les heures, et sous tous les costumes. On le décou¬ vrit enfin qui lisait les livres de Benjamin Franklin et les vers de nos poëtes fugitifs, le tout sans rire. On le vit, on l’admira. On l’entendit parler, on l’admira encore. George Sand, chez lui, c’est tour à tour un capricieux jeune homme de dix-huit-ans, et une très-jolie femme de vingt-cinq à trente ans ; c’est un enfant de dix-huit ans qui fume et qui prise avec beaucoup de grâce, c’est une grande dame dont l’esprit et l’imprévu vous étonnent et vous humilient. Le moyen de ne pas se laisser prendre à ces séductions, à ce double empire, doublement irré¬ sistibles? Le moyen de ne pas s’abandonner, corps et âme, à ces deux êtres charmants et inexplicables qui ne ressemblent à nul autre, ni en vices, ni en vertus, ni en style, ni en passions, ni en grâces, ni en beauté ; deux êtres aux mille noms divers, aux mille passions con¬ traires, aux mille caprices imprévus!

Donc ne soyons pas étonnés que tant d’éclat inespéré et tant de succès inattendus aient porté quelque peu à la tête de George Sand ; de plus sages et de moins glorieux que lui se sont laissé prendre à l’enivrement de la fa¬ veur populaire. Ce fut au plus difficile moment de sa