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si joyeuses, quand elles regrettaient des affections tou¬ tes bonnes, je pleurais dans mon cœur la vie d’amour que je leur avais ravie. Dire la joie qu’elles me don¬ naient par ce cri : « Je suis heureuse! — De quoi? — Je ne sais pas, mais je.suis heureuse! » Oh! je bénissais Dieu! On connaît la portée de son malheur, on s’exa¬ gère celui des autres. Elles se couchaient : je restais seule à écrire ou à souffrir. J’ai un petit tabouret de bois sur lequel je me suis assise bien des fois,, en hiver, devant le feu presque éteint, pour m’abandonner à la mélanco¬ lie du passé et des larmes. Chaque fois que je revenais de mes courses, de mes visites, bien infructueuses, je leur demandais d’une voix timide : « Quelqu’un est-il venu? » Et le non éternel, le non redouté, était la réponse. Cette question m’est restée habituelle : je la fais encore, et pas. touj ours- sans crainte.

Quelles que soient mes souffrances, elles perdent de leur âpreté à mesure que je suis le mouvement de mes idées, que je fais planer sur elles une émotion souve¬ raine qui s’empare des souvenirs pour les rendre profi¬ tables à la production., pour les y introduire comme moyen de puissance vraie. J’écris peu le matin. C’est alors que je suis aux prises avec un malaise orageux, prolongement de l’agitation des rêves. Mrns j’écris l’après- midi, le soir, la nuit ; la nuit surtout. Cet été je laissais ma fenêtre ouverte. L’air m’apportait quelques fraîches et légères senteurs du Luxembourg. A une certaine heure, toutee qui était animé s’effaçait. Le ciel doucement-éclairé, les murailles blanches revêtues de reflets lumineux, le calme profond, moi seule qui veillais ; ce temps qui ne m’était pas compté, qui semblait n’exister que pour moi ; tout cela me faisait des heures de voluptueux la¬ beurs. J’aime la nuit On échappe à la vie, à l’influence de l’homme ; on. est seul en présence de sa pensée, de