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sa nature méditative, inclinant à la mélancolie et tant soit peu sauvage, le tenait à distance du monde et lui donnait la saveur des choses avancées. Il faisait peu de cas de l’histoire ; c’était à moi, avouait-il, qu’il devait d’aimer la poésie. L’objet de sa poursuite infatigable, c’était le mystère des destinées humaines : pourquoi naî¬ tre ? pourquoi mourir ?…

Nulle affection ne m’a été plus douce que celle de ce frère. Elle a eu constamment la vîrginité et la grâce d’une affection qui commence. De saintes ferveurs la mainte¬ naient belle. Paul, je te vois encore, avançant la tête et demandant avec ton parler mystérieux et sonore : « Y est-elle?— Oui! oui! » répondais-je, et d’un élan j’étais vers toi. Nous avons lu bien des pages ensemble. Dans nos courses solitaires du jour, alors que nous allions à la recherche des mauves sauvages, que tu peignais si bien, jeune artiste ; alors que nous admirions les beaux couchers du soleil ; dans nos errements de la nuit en¬ core, nous avons bien souvent cherché la vérité. Nous l’avons demandée à la science des livres, aux misères inépuisables de notre cœur, aux magiques profondeurs du ciel, à ses orages, à la beauté voluptueuse de la terre ; tout est resté muet. La pensée de l’éternité roulait dans nos cerveaux comme une tempête ardente. Pascal nous épouvantait de ses doutes mal déguisés… Lui aussi il cherchait, disaient nos regards pleins de stupeur, lui aussi il implorait une réalité et il ne saisissait que des fantômes. Être-où ri être pas 3 répétions-nous avec Hamlet. Puis, si nous rencontrions une de ces créatures qui se font une vie toute bonne, toute simple, tout en dehors, nous lui enviions quelquefois la sérénité de ses humbles croyances et ses bonheurs faciles…. Toi bien plus sou¬ vent que moi, superbe et insensée : les âpretés d’élite faisaient, selon moi, une auréole funeste mais d’une