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Mme A. Dupin




Savoir, c’est presque dédaigner.


Ici, je suis presque étrangère. Plusieurs peuvent exalter en moi les facultés de l’imagination et de l’âme, les ardeurs d’un vain savoir ; mais l’émotion du souvenir lointain, nul ne peut me la donner. Dans cette foule où l’effroi de ma pensée solitaire me pousse quelquefois, je rencontre rarement un être auquel je puisse serrer la main et dire la parole si bonne au cœur : Vous rappelez-vous ? Le passé est ma vie sainte, ma vie de joies et de regrettées, de belles et fécondes douleurs. C’est là que je me réfugie quand le présent se fait trop amer. Il y a cinq ans que je vous ai quittée, patrie des crédulités heureuses ; il y a cinq ans que j’espérais, que j’attendais encore ; quoi donc, mon Dieu ?… j’ai appris, j’ai connu… cinq ans seulement… Eh bien, cette durée si courte a suffi pour effacer de ma mémoire des noms et des choses qui naguère m’étaient bien familiers ; je les cherche en vain… C’est dans l’atmosphère dévorante de la pensée que se santé éteintes les dernières lueurs de mon jeune